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Entre la Russie et l'Ukraine, la guerre dans les prétoires

Publié le 04/09/2016 09:28
Mis à jour le 04/09/2016 09:45
Le président russe Vladimir Poutine sur le site de la construction d'un pont dans le détroit frontalier de Kertch reliant les mers Noire et d'Azov le 18 mars 2016 pour le deuxième anniversaire de l'annexion de la péninsule ukrainienne de la Crimée (Photo MIKHAIL KLIMENTYEV. Sputnik)

Le président russe Vladimir Poutine sur le site de la construction d'un pont dans le détroit frontalier de Kertch reliant les mers Noire et d'Azov le 18 mars 2016 pour le deuxième anniversaire de l'annexion de la péninsule ukrainienne de la Crimée (Photo MIKHAIL KLIMENTYEV. Sputnik)

A des milliers de kilomètres de la Crimée ou des territoires séparatistes de l'Est de l'Ukraine, c'est une guerre en robes d'avocats, à coups de volumineux dossiers et de traités internationaux, qui se joue entre Moscou et Kiev, avec pour enjeu des milliards de dollars.

En annexant la péninsule de Crimée en mars 2014, les autorités russes se sont emparées au passage des actifs locaux de l'une des plus grosses banques d'Ukraine. La banque publique Ochtchadbank, dont la filiale en Crimée a été saisie, réplique désormais avec une procédure judiciaire devant la Cour permanente d'arbitrage de la Haye.

Lors d'une audience fin août, boycottée par la Russie, elle a réclamé pas moins d'un milliard de dollars de compensation "pour la destruction totale de ses investissements en Crimée".

Selon Alex Gerbi, membre du cabinet d'avocats international Quinn Emanuel Urquhart & Sullivan, qui défend l'établissement, si la Russie poursuit son boycott, une procédure accélérée pourrait être mise en place et la dernière audience pourrait avoir lieu fin mars 2017.

Outre Ochtchadbank, PrivatBank, la première banque ukrainienne, ayant des filiales à l'international, réclame elle aussi des compensations pour ses pertes en Crimée.

Selon Evguenia Sleptsova du centre d'analyse et de prévision économique d'Oxford, la "Russie ne va jamais payer" de compensations car Moscou "considère que la Crimée a rejoint volontairement la Russie".

Les sociétés ukrainiennes ne disposent donc plus comme solution que de saisir des tribunaux internationaux. "Cela a du sens pour les entreprises ukrainiennes de lancer des poursuites, afin que ces pertes ne se dissipent pas", explique l'experte à l'AFP.

- De Stockholm à Londres -

Les relations entre les deux voisins sont au plus bas après l'annexion de la Crimée par Moscou en mars 2014, à l'issue d'un référendum jugé illégal par les Occidentaux, suivie du conflit armé dans l'Est séparatiste prorusse, qui a fait plus de 9.500 morts en un peu plus de deux ans.

Outre la Haye, Kiev et Moscou s'affrontent également devant la cour d'arbitrage international de Stockholm pour régler leur contentieux gazier.

Les deux pays sont en conflit gazier permanent depuis l'arrivée au pouvoir de pro-occidentaux en Ukraine en 2014, suite au soulèvement proeuropéen du Maïdan.

Kiev a cessé fin novembre 2015 tout achat à la Russie et s'approvisionne auprès de pays européens.

En tout, l'opérateur gazier ukrainien Naftogaz réclame près de 26,6 milliards de dollars (23,7 milliards d'euros) au géant russe Gazprom pour le transit de son gaz et pour avoir facturé à l'Ukraine du gaz qu'elle n'a jamais consommé.

Gazprom réclame de son côté 38,7 milliards de dollars (34,5 milliards d'euros) à Naftogaz pour du gaz qu'il considère non payé. Le groupe public invoque la clause dite "take or pay" du contrat en vigueur, que Kiev conteste: l'acheteur s'engage sur un volume minimum qui doit être payé, qu'il soit consommé ou pas.

Les deux pays s'affrontent également devant un tribunal britannique sur le statut (public ou privé) d'une dette de trois milliards de dollars.

L'Ukraine, sous perfusion financière de ses alliés occidentaux, devait rembourser d'ici à décembre 2015 une aide accordée en 2013 par le Kremlin au régime prorusse de Viktor Ianoukovitch, peu avant son renversement et sa fuite en Russie.

Mais le gouvernement prooccidental de Kiev, qui ne considère pas cette dette comme souveraine (d'État à État), mais comme une dette commerciale car apportée via une opération sur les marchés financiers, a refusé de le faire, Moscou n'acceptant pas une décote de 20% comme les autres créanciers privés.

Après ce refus, la Russie a annoncé en février 2016 avoir porté plainte contre le pays auprès de la Haute cour de justice de Londres.

Et les affrontements judiciaires risquent de se poursuivre.

Le ministre ukrainien de la Justice Pavlo Petrenko a déclaré que de nouvelles plaintes contre la Russie en lien avec l'annexion de la Crimée et le conflit dans l'Est pourraient être déposées dans un avenir proche.

"Nous préparons une nouvelle plainte en coopération avec le ministère des Affaires étrangères, que nous comptons déposer à la Cour internationale de justice" de l'ONU, a-t-il dit à la chaîne de télévision ukrainienne 112.

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