PARIS (Reuters) - La cellule française de renseignement financier Tracfin préconise la mise en place d'une réglementation à l'échelle européenne pour encadrer le financement participatif, les initiatives nationales étant insuffisante pour empêcher d'éventuels détournements à des fins frauduleuses.
Dans un rapport d'analyse remis jeudi au ministre de l'Economie et des Finances Michel Sapin, ce service de Bercy dédié à la lutte contre le blanchiment, la fraude aux finances publiques et le financement du terrorisme souligne les risques émergents dans ce domaine du fait de l'accélération de la révolution numérique dans le secteur des services financiers.
Les montants collectés par le financement participatif - ou crowdfunding - restent faibles. L'an dernier, les fonds collectés ont atteint 196,3 millions d'euros pour les plates-formes de prêt, 50,3 millions pour celles consacrées à l'investissement et 50,2 millions pour le don.
Mais ils connaissent une progression rapide, avec un doublement entre 2014 et 2015, souligne Tracfin.
Ce rapport souligne notamment les risques "élevés" d'escroquerie dans la finance participative, en évoquant par exemple le détournement des paiements ou l'élaboration de fraudes du type pyramide de Ponzi, principalement pour les plates-formes de prêt.
Les plates-formes de dons et les sites de cagnotte en ligne sont quant à elles exposées à des "risques importants" en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, auxquels Tracfin dit prêter "une attention particulière".
ÉVITER LES CONTOURNEMENTS
En France, les plates-formes de prêt et d'investissement ont une obligation de choisir un statut régulé par les autorités de régulation boursière ou bancaire, l'AMF (Autorité des marchés financiers) ou l'ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution). Elles sont donc soumises aux obligations relevant du dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Les plates-formes de dons et les sites de cagnotte ne sont en revanche pas soumises à cette contrainte, alors que leur assujettissement obligatoire améliorerait la connaissance des bénéficiaires de fonds et des porteurs de projets, renforcerait la transparence des circuits financiers et faciliterait donc la détection des fraudes, souligne Tracfin.
Pour faire face à ces nouveaux risques, des évolutions du dispositif réglementaire de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme sont donc nécessaires mais elles devront se faire de façon harmonisée au niveau européen, pour ne pas laisser aux "acteurs mal intentionnés" la possibilité de contourner les mesures mises en oeuvre en choisissant le régime local le moins contraignant.
Tracfin relève ainsi que si la France a été l'un des premiers pays européens à adopter un cadre réglementaire dédié au financement participatif, celui-ci "ne peut s'appliquer qu'aux plates-formes françaises et ne couvre pas le grand nombre de plates-formes qui proposent des dons, des prêts ou des investissements depuis l'étranger."
Outre la finance participative, ce rapport évoque également les risques liés au développement du paiement mobile et des monnaies virtuelles.
"La révolution numérique qui gagne la plupart des activités bancaires élargit par construction le champ des possibles et accélère le transfert des phénomènes criminels du monde réel vers l'espace numérique" souligne Tracfin en précisant que "les prédateurs (ont) intégré que l'espace numérique offre le meilleur rapport entre le gain escompté et le risque pénal".
Le rapport invite donc l'ensemble du secteur FinTech à "intégrer l'importance du risque", sous peine de s'exposer "à un risque de réputation, pouvant devenir un risque systémique en cas de détournement d'usage par les organisations criminelles ou terroristes".
(Myriam Rivet, édité par Yves Clarisse)