Le Premier ministre socialiste Manuel Valls, en visite officielle vendredi à Lisbonne, a salué les efforts budgétaires réalisés par le gouvernement portugais de centre droit, critiquant comme en miroir les progrès "insuffisants" de la gauche radicale en Grèce.
"Vos finances publiques sont en amélioration constante et le Portugal bénéficie de la confiance des investisseurs", grâce aux réformes mises en oeuvre et aux "efforts consentis par les Portugais", a déclaré M. Valls devant la communauté d'affaires franco-portugaise.
S'il a loué le "courage" du "programme d'ajustement sévère" du Portugal, il a de nouveau défendu la ligne française en matière budgétaire, en promettant de tenir les engagements du pays mais sans "aucune mesure d'économie budgétaire qui pourrait venir casser la croissance au moment où elle revient".
"Nous devons sortir des seules disciplines budgétaires et politiques d'austérité" et "favoriser la croissance et l'investissement", a-t-il réitéré devant la presse à l'issue d'un entretien avec son homologue portugais, Pedro Passos Coelho.
Une voie que semble aussi vouloir suivre, dans une moindre mesure, le Premier ministre portugais, souvent critiqué par l'opposition de gauche pour avoir appliqué avec trop de zèle les remèdes de la troïka des créanciers (UE-FMI-BCE) et d'être "plus allemand que la chancelière Angela Merkel".
- 'Changer de cap' -
"Des initiatives comme le plan Juncker sont très importantes pour que l'Europe change de cap, pour passer de la phase d'ajustement, en réponse à la crise de 2008, aux objectifs plus ambitieux que sont la croissance et l'emploi", a estimé M. Passos Coelho.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait dévoilé en novembre un plan destiné à mobiliser 315 milliards d'euros sur trois ans pour les investissements en Europe afin de relancer la croissance, en s'appuyant principalement sur des fonds privés.
Meilleur élève de l'austérité européenne que la France, le Portugal s'est engagé à ramener son déficit public sous les 3% du PIB dès cette année, même si le pays a lâché un peu de lest à l'approche des élections législatives programmées à l'automne.
La France a pour sa part obtenu un nouveau délai de deux ans pour revenir sous la barre des 3% et espère passer de 4% en 2014 à 3,8% en 2015, puis 3,3% en 2016 et 2,7% en 2017.
Mais Manuel Valls rejette toute idée de "deux poids deux mesures" dans les négociations budgétaires avec Bruxelles. "La France n'a obtenu aucune faveur", a-t-il insisté devant la presse.
Le Premier ministre français s'est aussi entretenu avec le patron du Parti socialiste portugais Antonio Costa, qui a défendu la construction d'un "dialogue à l'échelle européenne" pour "freiner la politique d'austérité et remettre le cap sur la confiance".
"Nous sommes amis et nous sommes socialistes", a simplement glissé M. Valls, dans un portugais à l'accent espagnol.
- 'Le temps presse' -
Le ton aura été autrement plus dur vis-à-vis d'Athènes.
La France attend de la Grèce d'Alexis Tsipras "une liste de réformes plus profondes" si celle-ci veut obtenir de nouvelles aides européennes, a déclaré M. Valls au journal portugais Diario Economico.
La Grèce a honoré jeudi son versement d'avril au Fonds monétaire international (FMI), après plusieurs jours de suspense.
Le Premier ministre français a invité les autorités grecques "à persévérer dans leurs efforts", alors que l'incertitude demeure sur la capacité du gouvernement grec de la gauche radicale Syriza à rembourser ses traites à partir de mai.
"La position de la France n'a jamais varié: il faut tenir compte du vote du peuple grec, mais il y a aussi un cadre institutionnel et des engagements pris. Ils doivent être respectés", a relevé Manuel Valls, avant d'ajouter que "le temps presse".
Le Portugal s'est inquiété à plusieurs reprises d'éventuelles faveurs accordées à la gauche radicale en Grèce, au point d'agacer Athènes qui l'a accusé de s'être montré intransigeant, tout comme l'Espagne, dans les négociations sur la dette grecque à Bruxelles.
Aux antipodes des turbulences que connaît la Grèce, le Portugal a vu jeudi ses taux d'emprunt à deux ans passer en territoire négatif pour la première fois, rejoignant ainsi des pays comme l'Allemagne et la France.