PARIS (Reuters) - Manuel Valls s'est dit jeudi préoccupé par l'avenir de la France et non celui de la gauche, justifiant par un souci de cohérence la démission de Christiane Taubira, ministre emblématique de l'aile gauche de la majorité.
Face à ceux qui perçoivent dans ce départ la preuve d'une droitisation de l'exécutif, le Premier ministre a défendu la gestion d'une gauche "confrontée au réel" dans des situations sécuritaire et économique difficiles.
"C'est l'avenir de la France qui me préoccupe, pas l'avenir de la gauche", a-t-il dit lors de ses voeux à la presse.
"La gauche au pouvoir est confrontée au réel", a-t-il insisté. "Et parce qu'elle gouverne dans une période particulièrement difficile, elle doit tenir. Il y a toujours la tentation de partir. Il y a toujours la tentation de fuir ses responsabilités quand c'est difficile. Elle doit résister."
Avec le terrorisme et la crise des migrants qui menacent l'unité de l'Europe, "heureusement que la gauche gouverne", a-t-il fait valoir.
Christiane Taubira, "elle va manquer bien sûr au gouvernement, mais la cohérence exigeait qu'à partir du moment où il y a un désaccord, sur une réforme, sur une révision constitutionnelle, chacun en tire les conséquences", a-t-il ajouté, après avoir salué "l'opiniâtreté et le parcours" de l'ancienne ministre de la Justice, remplacée par Jean-Jacques Urvoas.
"La cohérence gouvernementale n'est pas une affaire de discipline mais de responsabilité, surtout dans ces moments difficiles pour le pays. C'est la condition même de l'efficacité", a poursuivi Manuel Valls.
"NE PAS ÉTOUFFER LES DÉBATS"
Christiane Taubira a dit avoir démissionné en raison d'un "désaccord politique majeur" sur la politique sécuritaire du gouvernement et le projet du président François Hollande de permettre la déchéance de nationalité des personnes condamnées pour terrorisme.
"Parfois, résister c'est partir", a-t-elle expliqué mercredi.
Engageant un dialogue à distance avec son ancienne ministre, Manuel Valls a estimé que "résister aujourd'hui, ça n'est pas proclamer, ça n'est pas faire des discours, résister, c'est se confronter à la réalité du pays".
Christiane Taubira a reçu le soutien de personnalités à la gauche du PS, à l'instar des anciens ministres "frondeurs" Benoît Hamon, Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti.
"Il y a une forme de fracture très nette et la démission de Christiane Taubira est le symbole de cette crise politique majeure qui fracture aujourd'hui la gauche", a dit cette dernière sur BFM TV et RMC Info.
Ce départ apporte de la "clarté" sur la ligne gouvernementale, a considéré pour sa part le président du groupe PS à l'Assemblée nationale, Bruno Le Roux.
Alors qu'une partie de la gauche réclame une primaire pour désigner le candidat à l'élection présidentielle de 2017, Manuel Valls s'est dit ouvert aux débats.
"La cohérence, ce n'est pas étouffer les débats, c'est impossible en France et encore davantage à gauche", a-t-il dit.
Il s'est réjoui d'avoir au sein même du gouvernement "des talents tous complémentaires" et "des personnalités fortes".
Une référence à Christiane Taubira mais aussi au ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, dont les positions font régulièrement sursauter une partie du PS qui les juge trop libérales.
"La gauche ne se résume pas à une personne, pas à une voix", a considéré Manuel Valls devant quelques journalistes après son discours. Interrogé sur l'éventualité d'un remaniement gouvernemental prochain, le Premier ministre s'est gardé de tout commentaire.
(Elizabeth Pineau et Jean-Baptiste Vey, édité par Sophie Louet)