par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Le virage de François Hollande en faveur d'une relance de la compétitivité des entreprises a marqué en France l'année sociale 2014 de son empreinte tout autant que l'atonie de l'économie.
A l'orée de 2015, c'est encore lui qui alimente les débats et aiguise les rapports de forces, tant dans la majorité que du côté de partenaires sociaux confrontés à la perspective d'âpres négociations ou, pour la CGT, à une grave crise interne.
Le pacte de responsabilité annoncé par le chef de l'Etat lors de ses voeux pour 2014 et les clivages qu'il a suscités ou accentués a été un des fils rouges de l'année écoulée.
Ces baisses de charges, ajoutées au Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, privilégient une politique axée sur l'offre et l'amélioration de la compétitivité, qui a culminé avec le "J'aime l'entreprise" lancé par le Premier ministre, Manuel Valls, à l'universisté d'été du Medef.
Une évolution saluée par les organisations patronales qui n'ont eu de cesse d'essayer de pousser leur avantage pour obtenir plus d'allègements de charges et de contraintes, mais critiquée par les syndicats et l'aile gauche de la majorité.
Pour Guy Groux, spécialiste des mouvements sociaux, "le pacte a modifié les rapports qui sont habituellement ceux d'un gouvernement de gauche avec les syndicats".
Seules la CFDT et la CFTC ont signé avec le patronat un relevé de conclusion prévoyant de négocier dans les branches des contreparties au pacte en matière d'emploi et d'investissement.
Ces négociations ont tardé à démarrer et n'avaient abouti, en fin de semaine dernière, qu'à une dizaine d'accords. Mais elles se sont accélérées et Manuel Valls espérait le 8 décembre que plus de la moitié des salariés seraient concernés fin 2014.
CRISE À LA CGT
Syndicats et patronat doivent se retrouver les 15 et 16 janvier pour tenter de conclure de laborieuses tractations sur la modernisation du dialogue social dans les entreprises, qui divisent les organisations patronales.
Le gouvernement mise sur une refonte des institutions représentatives du personnel et de leurs relations avec les employeurs pour accompagner de futures réformes, notamment du marché et de l'organisation du travail.
Viendront ensuite des négociations tout aussi difficiles, entre les partenaires sociaux gestionnaires des régimes de retraites complémentaires des salariés du secteur privé, menacés de faillite à brève échéance.
Mais le gouvernement s'inquiète également de l'issue de la crise déclenchée à la CGT par des révélations sur des dépenses engagées par l'organisation pour son secrétaire général.
Les instances dirigeantes de la première centrale syndicale française doivent se prononcer sur le sort de Thierry Lepaon et des neuf autres membres de sa direction confédérale au plus tard le 13 janvier.
"Le risque, c'est une reprise en main de l'organisation par les plus durs", confie un ministre.
En matière de mobilisation sociale, 2014 a été globalement calme. Les tentatives de la CGT, FO et Solidaires n'ont guère eu de succès, et seul un fonctionnaire sur deux a participé aux élections professionnelles début décembre.
"Avec un gouvernement de gauche et la crise économique, ce qui veut dire pas de grain à moudre, il est plus difficile de mobiliser les salariés qu'avec un gouvernement de droite et une situation économique favorable", souligne Guy Groux.
DÉBATS
Paradoxalement, ce sont des mouvements de catégories considérées comme privilégiées qui ont fait couler le plus d'encre: grève des pilotes d'Air France en septembre contre le développement de la compagnie low cost Transavia et défilés des professions juridiques, dont les notaires, contre les mesures du projet de loi Macron les concernant, cet automne.
Les patrons ont pour leur part manifesté contre l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2015, du "compte pénibilité" introduit par la réforme des retraites du 20 janvier 2014 pour les salariés exposés à des conditions de travail pénibles.
La légère embellie de l'activité prévue par l'Insee en 2015 pourrait susciter un regain revendicatif, malgré la poursuite de la montée du chômage, qui pourrait atteindre fin juin 10,2% en France métropolitaine et 10,6% avec l'Outre-mer.
Cette hausse du chômage risque d'accentuer la pression en faveur d'une renégociation anticipée des conditions d'indemnisation des chômeurs, alors que la convention Unedic conclue en mars ne s'applique que depuis juillet et sa mesure la plus novatrice, les "droits rechargeables", depuis octobre.
D'autres sujets risquent aussi de revenir dans le débat public, alors que la Commission européenne, qui rendra début mars un avis sur les budgets français 2014 et 2015, presse la France d'accélérer ses réformes structurelles.
Sans réformes massives, la France sera face à une équation "presque impossible", estime l'économiste Jacques Attali. Il recommande notamment, comme Pascal Lamy, ex-directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, la création d'un contrat unique de travail.
(Edité par Yves Clarisse)