Par Geoffrey Smith
Investing.com -- Les entreprises privées peuvent-elles survivre à la crise du Coronavirus sans être renflouées par le gouvernement ? La réponse devrait se préciser au cours de la journée, alors que le croisiériste Carnival PLC (LON:CCL) tente de lever 6 milliards de dollars sur les marchés de la dette et des actions.
Le cas de Carnival est intéressant car il est incapable de faire appel à un gouvernement pour l'aider de manière significative. Cotée à New York et à Londres, mais enregistrée au Panama, elle ne pourra bénéficier d'aucun des programmes de soutien économique adoptés par les gouvernements américain et britannique. La levée de capitaux dépendra entièrement de la volonté des investisseurs privés de juger des perspectives de rendement à long terme et d'examiner les problèmes à court terme.
Ces problèmes sont énormes. La société a été contrainte de suspendre tous ses voyages après que ses navires de croisière aient été victimes de multiples épidémies de cette maladie mortelle, ce qui a paralysé sa capacité à générer des revenus pour assurer le service de ses dettes.
Ces épisodes ont été amplifiés par la concentration de passagers âgés vulnérables, le confinement terrifiant d'un environnement fermé et l'intense couverture médiatique qui s'est délectée de l'ironie du récit du "rêve transformé en cauchemar". Et il y a encore plus de 6 000 passagers en mer, y compris sur le Zaandam sinistré, exploité par sa ligne Holland America.
Pas étonnant que le titre de Carnival Corporation (NYSE:CCL) ait baissé de plus de 75% depuis le début de l'épidémie.
La compagnie a une dette de 1,83 milliard de dollars qui arrive à échéance cette année et de 1,92 milliard de dollars l'année prochaine, ainsi que de lourds engagements pour payer de nouveaux navires que - en des temps plus heureux - elle considérait comme une valeur sûre (2,8 milliards de dollars cette année et 5,9 milliards de dollars les années suivantes).
La société avait déjà tiré sur sa ligne de crédit existante de 3 milliards de dollars à la mi-mars. À cette époque, elle avait tenté de minimiser les engagements relatifs aux navires en disant qu'ils ne seraient probablement pas livrés à temps de toute façon, car le virus empêcherait également les chantiers navals de les livrer, ce qui est probablement assez vrai mais peu susceptible d'être suffisamment rassurant dans les circonstances actuelles.
Bloomberg a indiqué que l'émission de billets de premier rang de 3 milliards de dollars qui constitue la moitié de la levée de fonds est commercialisée avec un coupon de 12,5%, bien qu'elle soit garantie par les principaux actifs d'exploitation de la société, ses navires, et bien qu'elle ait une échéance de trois ans.
Avec les 1,75 milliard de dollars de convertibles qui sont offerts et les 2,2 milliards de dollars d'engagements déjà existants, cela crée une falaise de refinancement assez abrupte dans trois ans.
La société semble du moins supposer que trois ans suffiront pour que le monde oublie Covid-19 et lui permette de retrouver sa trajectoire de croissance antérieure. Cela semble ambitieux, c'est le moins qu'on puisse dire.
Le parallèle avec EasyJet PLC (LON:EZJ), une autre société de voyage axée sur les loisirs et assaillie par de lourds engagements d'expansion de sa capacité, est instructif. Le fondateur d'EasyJet, Stelios Hagi-Ioannou, a menacé lundi de licencier un à un tous les directeurs non exécutifs de la compagnie aérienne si celle-ci ne sortait pas des contrats paralysants pour payer les nouveaux avions Airbus (PA:AIR) dont (selon Sir Stelios) elle n'a plus besoin.
Les dernières annonces réglementaires de Carnival ne donnent aucune indication qu'elle envisage d'abandonner ses commandes de navires. Il est peut-être encore possible d'investir dans Carnival, mais certainement pas sans la garantie d'une utilisation plus réaliste des capitaux des investisseurs.