par Elizabeth Pineau et Tangi Salaün
PARIS (Reuters) - L'Elysée a démenti dimanche avoir renoncé à l'organisation d'un référendum sur le climat et la biodiversité, dont la tenue est pourtant jugée "compromise" par le rapporteur du projet de loi sur le sujet alors que de nouvelles marches ont eu lieu dans toute la France pour demander au gouvernement de revoir à la hausse ses ambitions en la matière.
Selon les organisateurs, qui ont dénoncé sur des banderoles un "échec du quinquennat" avec la loi "Climat et résilience" adoptée en première lecture mardi par les députés, environ 56.000 personnes ont manifesté ce dimanche à Paris et quelque 115.000 personnes au total ont participé à 163 marches organisées dans toute la France mais aussi en Belgique ou au Luxembourg.
Dans une interview au Journal du Dimanche, le député LaRem Pieyre-Alexandre Anglade accuse la droite majoritaire au Sénat d'avoir bloqué de facto la consultation visant à inscrire la lutte pour le climat dans la Constitution, en réécrivant la proposition votée par les députés.
"La majorité sénatoriale de droite a fait le choix de vider de sa substance la proposition de la convention citoyenne pour le climat (CCC), et donc d'empêcher l'accord" entre les deux chambres du Parlement, affirme le rapporteur du texte de loi.
"En l'état, les conditions du référendum ne sont pas réunies", ajoute-t-il.
Face à un début de polémique, l'Elysée a assuré à Reuters que la modification de l'article 1er de la Constitution pour y inscrire la garantie de la préservation de l'environnement et de la biodiversité n'était "en rien 'enterrée'".
"PAS D'ABANDON" DU TEXTE, DIT MACRON
"La bataille n'est pas finie: comme elle l'est depuis le début du quinquennat, la cause écologique demeure l'une des priorités du Président de la République", dit-on à l'Elysée, sans toutefois s'engager sur une date pour soumettre cette réforme au vote des Français.
Interrogé sur le sujet à Strasbourg, où il se trouvait à l'occasion de la Journée de l'Europe, Emmanuel Macron a assuré qu'"il n'y aura(it) pas d'abandon" du texte sur le climat.
"Les citoyens qui ont travaillé doivent être respectés. J'ai pris un engagement vis-à-vis d'eux", a dit le président de la République. "Nous verrons ce qui sort du Sénat. Ensuite le texte doit suivre sa vie parlementaire et revenir à l'Assemblée nationale."
"Ce texte va vivre sa vie parlementaire qui seule pourra l'amener au référendum s'il fait l'objet d'un accord ente sénateurs et députés", a-t-il ajouté.
L'entourage du président du Sénat, Gérard Larcher (Les Républicains), a fait savoir à Reuters que l'Elysée ne l'avait pas informé d'un abandon du projet.
Dans une interview à paraître lundi dans le Figaro, Gérard Larcher juge que "le Sénat n’a pas à sortir le président du mauvais pas dans lequel il s’est mis avec le 'sans filtre' de la convention citoyenne". "Je dis à l’exécutif: laissez faire le débat parlementaire", ajoute le président du Sénat.
Le député écologiste Matthieu Orphelin a dénoncé pour sa part une "manoeuvre" du gouvernement pour se défausser de sa responsabilité.
"Cela faisait des mois que je prévenais que le référendum n'aurait pas lieu, que le gouvernement manoeuvrait pour que le processus n'aille pas au bout, refusant toutes concertations avec le Sénat, pourtant nécessaires pour converger", accuse-t-il dans un communiqué envoyé à Reuters avant le démenti de l'Elysée.
"NOUVEL ENGAGEMENT RENIÉ"
"C'est un nouvel engagement sur l'écologie renié par Emmanuel Macron et LaRem (...) Je suis révolté de ces manipulations et de ces stratégies politiciennes de la majorité, sur le dos du climat", ajoute cet ancien élu de la majorité.
Pieyre-Alexandre Anglade reproche de son côté aux sénateurs d'avoir adopté mercredi un texte qui vide la réforme de son sens en retirant "les verbes d'action 'garantir ', 'lutter ', dont le Conseil d'État nous disait qu'ils créaient presque une quasi-obligation de résultat".
"La majorité à l'Assemblée nationale a voté, mot pour mot, la proposition des citoyens. C'est la droite sénatoriale qui prive le pays d'un débat essentiel, en se servant de ce texte comme d'un outil électoral", dit-il au JDD.
"Nous voulons toujours offrir la possibilité aux Français de trancher (mais) l'engagement du président de la République n'était pas de le faire sur la base d'un texte escamoté par la droite sénatoriale."
(Avec Bertrand Boucey)