par Gwénaëlle Barzic et Blandine Henault
PARIS (Reuters) - Engie (PA:ENGIE) a estimé mercredi que l'offre améliorée de rachat par Veolia (PA:VIE) de l'essentiel de sa participation dans Suez (PA:SEVI) pour quelque 3,4 milliards d'euros répondait à ses attentes mais a demandé et finalement obtenu que sa durée de validité soit prolongée de cinq jours.
A l'issue d'un conseil d'administration, l'énergéticien a expliqué dans un communiqué que cette prolongation devait permettre à Veolia de formaliser "son engagement inconditionnel de ne pas lancer d'offre publique d'achat (sur Suez) qui ne soit pas amicale".
Veolia, qui veut à terme prendre le contrôle de Suez dans son intégralité, a dans la foulée répondu favorablement à ces demandes.
Selon une source proche du dossier, Engie va essayer de convaincre d'ici à lundi soir Suez de désactiver la fondation que le groupe a mise en place pour protéger son activité Eau France et qui a pour effet de bloquer le projet de rapprochement global porté par Veolia.
L'offre accueillie "favorablement" par Engie porte sur la quasi intégralité de sa participation au capital de Suez (soit 29,9% sur un total de 32%), pour laquelle Veolia a relevé mercredi matin son prix de 15,50 à 18,00 euros par action, portant le montant de la transaction potentielle de 2,9 à 3,4 milliards.
"Cette offre apporte des clarifications et des améliorations importantes par rapport à l'offre précédente. Le conseil (d'Engie) a accueilli favorablement les engagements supplémentaires pris par Veolia, concernant son projet industriel et plus particulièrement les garanties apportées sur le plan social, et le prix proposé (...)", a fait savoir Engie.
"En conséquence, le conseil a considéré que cette nouvelle offre répond à ses attentes en termes de prix et de garanties sociales."
Dans sa nouvelle proposition, dont la durée de validité restait initialement fixée à mercredi soir minuit en dépit des appels de l'Etat français (24% du capital d'Engie) à éviter toute précipitation, Veolia a proposé une fenêtre de négociation de six mois avant toute opération sur le solde du capital de Suez pour tenter de surmonter les réticences de sa cible.
SIX MOIS DE NÉGOCIATIONS ?
Le groupe s'est ainsi engagé, après l'acquisition du bloc de 29,9% auprès d'Engie, à ne déposer une offre publique sur le reste du capital de Suez qu'à la condition qu'elle soit amicale.
"Pour y parvenir, Veolia propose à Suez de se donner une période de six mois expirant le 31 mars 2021, pendant laquelle les parties feront leurs meilleurs efforts pour rechercher les bases communes d'un accord relatif à la mise en œuvre du projet porté par Veolia", a-t-il précisé.
En contrepartie, il a cependant demandé à Suez de désactiver immédiatement la fondation de droit néerlandais mise en place par sa cible pour sanctuariser son activité Eau France, dont Veolia prévoit la cession au fonds Meridiam pour éviter tout problème de concurrence.
"Si Engie n'a pas convaincu Suez lundi soir (de désactiver sa fondation), il demandera à Veolia de bien vouloir lever la conditionnalité mise dans son offre. Dans ce cas, Veolia se retrouverait avec le bloc d'Engie et déposerait une intention d'offre sur le solde du capital de Suez, son objectif étant alors de discuter avec le 'board' de sa cible pour essayer de le convaincre", selon la source proche du dossier interrogée par Reuters.
"Une fois qu'Engie aura dit qu'il va céder son bloc à Veolia, (le président du conseil de Suez) Philippe Varin sera peut-être prêt à discuter. Et cela permettra par ailleurs à Bruno Le Maire de sauver la face, car c'est important pour lui de montrer qu'il a pesé."
Le rachat de l'essentiel des parts d'Engie dans Suez constituerait la première étape du projet de Veolia visant à acquérir l'ensemble de Suez malgré sa farouche opposition pour former avec son concurrent un nouveau "champion mondial" du traitement de l'eau et des déchets.
SUEZ REDIT SON REFUS D'UN RAPPROCHEMENT AVEC VEOLIA
Mercredi matin, le PDG de Veolia Antoine Frérot avait indiqué que, si le groupe n'obtenait pas d'avis favorable de Suez à l'issue de la période des six mois, il soumettrait d'autres projets à l'ensemble de ses actionnaires.
Il avait également déclaré lors d'une conférence téléphonique que Veolia n'excluait pas de lancer une OPA hostile à l'issue de la période de dialogue mais que ce n'était "pas l'esprit" de sa proposition présentée mercredi.
Dans l'hypothèse où l'OPA sur le solde du capital Suez se ferait au même prix que celui offert à Engie, le montant total de l'opération s'élèverait à 11,2 milliards d'euros pour 100% du capital du groupe, contre 9,7 milliards sur la base du prix initial proposé par Veolia.
Après une réunion de son conseil d'administration, dans la foulée de la nouvelle offre de Veolia, Suez a estimé que son rival persistait "dans ses propositions contraires à l'intérêt social" du groupe, que celles-ci restaient "floues" et qu'elles ne garantissaient pas "l'intérêt des actionnaires et parties-prenantes".
Evoquant des engagements "en trompe-l'oeil" en matière d'emploi et réaffirmant sa volonté d'utiliser "tous les moyens à sa disposition pour éviter une prise de contrôle rampante ou un contrôle de fait" par son concurrent, Suez a estimé que rien ne garantissait que ses actionnaires autres qu'Engie "bénéficieront d'une offre en numéraire au même prix et conditions".
Le conseil de Suez "poursuit activement ses travaux afin de permettre l'annonce, dans les meilleurs délais, d'une solution pour l'ensemble des actionnaires" du groupe, a-t-il ajouté, appelant en vain Engie à "ne pas décider de l'avenir de Suez dans les conditions et le calendrier dictés par Veolia".
Les syndicats du groupe, vent debout contre le projet de Veolia qui menace selon eux l'emploi, ont pour leur part indiqué mercredi qu'ils étudiaient la possibilité de solliciter le procureur du Parquet National Financier de Paris pour demander l'ouverture d'une enquête sur les conditions de l'offre de rachat de leur concurrent.
A la Bourse de Paris, avant les annonces du conseil d'Engie, l'action Suez a clôturé en hausse de 5,9% à 15,805 euros, parmi les plus fortes progressions du SBF 120, tandis que Veolia et Engie terminaient la séance sur des gains respectifs de 0,55% et 1,24%.
(Avec Jean-Stéphane Brosse et Benjamin Mallet, édité par Nicolas Delame)