par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Le gouvernement a annoncé jeudi qu'il reprenait la main sur l'assurance chômage après l'échec des négociations des partenaires sociaux sur une nouvelle convention, imputé au Medef par les syndicats et la ministre du Travail.
L'Unedic indemnise 2,7 millions de demandeurs d'emploi. Elle sera en déficit de 4,2 milliards d'euros en 2016 et 3,6 en 2017, portant son endettement à 33,6 milliards fin 2017, si rien n'est fait pour y remédier, selon ses propres prévisions.
Le gouvernement a promis à la Commission européenne de trouver 1,6 milliard d'euros d'économies d'ici fin 2017.
Mais la huitième et dernière séance de négociation, au siège de l'organisation patronale, a duré à peine 45 minutes.
Le Medef, inflexible dans son refus de discuter d'une modulation des cotisations patronales sur les contrats de travail de courte durée, condition d'un accord pour les syndicats, a proposé dès le début de la réunion de prendre acte de "l’interruption" de la négociation.
Il n’a pas voulu discuter d’une prorogation de l’actuelle convention fixant les règles d’indemnisation du chômage, en vigueur depuis 2014 et qui arrive à échéance le 30 juin.
"Faire une demande de prorogation, c’était considérer que le système actuel est satisfaisant, ce qui n’est pas notre position", a expliqué son négociateur, Jean Cerutti.
Les syndicats ont pris acte de cet échec attendu après quatre mois de négociations, le premier concernant l'assurance chômage depuis 1982, lorsque le patronat avait refusé les augmentations de cotisations proposées par les syndicats.
L'ACCORD DES INTERMITTENTS APPLIQUÉ
La ministre du Travail, Myriam El Khomri, a assuré dans un communiqué que les demandeurs d’emploi indemnisés actuels et futurs ne subiraient aucun "désagrément" puisque le gouvernement prorogera "dès demain" la convention au-delà du 30 juin.
La négociatrice de la CFDT, Véronique Descacq, a mis en garde le gouvernement contre la tentation de "diminuer les droits des demandeurs d’emploi" pour tenir son engagement de 1,6 milliard d’euros d’économies.
Myriam El Khomri a regretté que des mesures visant à lutter contre le recours abusif aux contrats courts n’aient pas pu être discutées en raison, dit-elle, de "l’attitude du patronat".
Une position partagée par les syndicats, qui imputent cet échec aux divisions internes au Medef, dont l’aile la plus libérale l’a apparemment emporté, et à un début de guerre de succession à la tête de l’organisation, le mandat de son président Pierre Gattaz arrivant à échéance en 2018.
"Le patronat fait le choix aujourd’hui de l’échec (...) essentiellement pour des raisons de conflits internes au Medef", ont déclaré la CFDT et la CFTC dans un communiqué commun, dans lequel ces syndicats dénoncent un "jeu dangereux".
Le chef de la délégation de l’Union professionnelle artisanale (UPA), Patrick Liébus, pourtant membre du camp patronal, a lui aussi évoqué ces conflits.
"Il y avait des solutions", a-t-il dit. "Le Medef a des problèmes internes à gérer (...) L’Etat va reprendre la main puisque c’est ce que souhaite le Medef."
Le Medef a pour sa part accusé dans un communiqué les syndicats d’avoir adopté des "postures dogmatiques visant à punir les entreprises".
Le gouvernement souhaite que les partenaires sociaux puissent reprendre des négociations à la rentrée mais les négociateurs patronaux et syndicaux doutent que cela soit possible avant l’élection présidentielle de 2017.
(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)