NICE-PARIS (Reuters) - Au moins 84 personnes ont été tuées jeudi soir à Nice (Alpes-Maritimes) dans une attaque "terroriste" perpétrée par un homme qui, au volant d'un poids lourd, a foncé sur la foule à la fin du feu d'artifice du 14-Juillet sur la promenade des Anglais.
Cet acte sans précédent, qui fait suite à plusieurs attentats meurtriers revendiqués par le groupe Etat islamique en France, n'a pour l'heure pas fait l'objet de revendication.
L'assaillant, qui a été abattu par la police au terme d'une course folle sur près de deux kilomètres, a été identifié comme étant un Franco-Tunisien de 31 ans, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, connu des services de police mais pas des services de renseignement, selon une source proche de l'enquête.
Une perquisition a été menée vendredi matin à son domicile situé dans un quartier populaire de l'est de Nice, les Abattoirs, rapporte le quotidien Nice Matin.
Les enquêteurs recherchaient également d'éventuelles complicités.
"Cette attaque, dont le caractère terroriste ne peut être nié, est encore une fois d'une violence absolue", a déclaré François Hollande lors d'une allocution prononcée dans la nuit à l'Elysée. Il a parlé d'"une monstruosité".
Le chef de l'Etat est arrivé à Nice avec le Premier ministre Manuel Valls à la mi-journée après avoir présidé un conseil de Défense à l'Elysée.
La France ne "cédera pas à la menace terroriste", a souligné Manuel Valls à l'issue de la réunion. "Nous avons changé d'époque et la France va devoir vivre avec le terrorisme."
Dans la nuit, François Hollande avait confirmé que la France poursuivrait ses opérations militaires en Irak et en Syrie contre Daech.
"Nous devons faire bloc (...), être solidaires, faire preuve de sang-froid collectivement", a dit le Premier ministre alors que les premières critiques s'élèvent, à droite notamment, sur le dispositif de sécurité en France depuis les attentats de janvier et novembre 2015 à Paris.
DEUIL NATIONAL
Le président a annoncé dans la nuit la prolongation de trois mois de l'état d'urgence, en vigueur depuis les attentats du 13 novembre et qui devait être levé le 26 juillet prochain.
Mis en place après les attentats de janvier 2015, le dispositif de sécurité "Sentinelle" de surveillance des sites sensibles, qui devait passer de 10.000 à 7.000 hommes, sera lui finalement maintenu à son plus haut niveau.
Le gouvernement va par ailleurs faire appel à la réserve militaire opérationnelle pour assurer notamment le contrôle des frontières. Un deuil national a été décrété pour les 16, 17 et 18 juillet en hommage aux victimes.
La section antiterroriste du parquet de Paris a été saisie après l'attentat survenu peu après 22h30 sur la promenade des Anglais, une avenue de Nice mondialement connue longeant la Méditerranée qui avait été fermée à la circulation à l'occasion des festivités du 14-Juillet.
L'assaillant, qui a percuté à vive allure des dizaines de personnes, a également tiré sur la foule, très dense, et des armes "assez opérationnelles et assez puissantes" ainsi que des grenades ont été retrouvées dans le camion, a dit sur BFM TV le président de Provence-Alpes-Côte d'Azur, Christian Estrosi, citant des sources policières.
Ce point n'est pour l'heure pas confirmé officiellement.
Outre les 84 personnes tuées, 18 personnes se trouvaient vendredi matin toujours en état d'urgence absolue, selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur. Ce bilan fait également état d'une cinquantaine de personnes légèrement blessées et de 120 personnes choquées ou prises en charge.
"UNE SCÈNE D'HORREUR"
Le député (Les Républicains) des Alpes-Maritimes Eric Ciotti a décrit "une scène d'horreur".
"Un camion fou a foncé sur près de deux kilomètres sur le trottoir Sud de la promenade des Anglais, (...) jusqu'à ce qu'il soit intercepté et le chauffeur abattu devant le palais de la Méditerranée", a-t-il dit sur iTELE.
Des témoins ont raconté avoir vu l'imposant camion blanc foncer sur la foule et "zigzaguer" pour faucher les spectateurs du feu d'artifice, laissant derrière lui des dizaines de victimes.
"C'était un poids lourd d'environ 15 mètres de long qui roulait à plus de 80 km/h, (...) il arrachait tout, les poteaux, les arbres", a raconté sur iTELE un témoin, ajoutant que des personnes avaient tenté de s'accrocher aux portes du véhicule pour l'arrêter. Un autre témoin a évoqué l'image d'"un jeu de quilles".
"J'étais en train de marcher sur l'avenue quand j'ai vu un camion tourner dans notre direction à vive allure. J'ai eu la chance de le voir à temps mais une amie a été renversée", a dit à Reuters un touriste italien, Marco de Feo.
"Nous avons fui sur la plage puis nous avons trouvé refuge dans un hôtel. On est retourné ensuite porter secours à notre amie qui ne pouvait ni bouger ni parler mais qui respirait encore. Elle a été transportée à l'hôpital en ambulance".
Les autorités françaises redoutaient un attentat pendant l'Euro de football, qui s'est achevé dimanche dernier sans incident majeur. Le directeur général de la sécurité intérieure (DGSI), Patrick Calvar, s'était dit récemment "persuadé" que Daech évoluait vers de nouveaux modes opératoires, notamment des véhicules piégés et des engins explosifs.
(Marine Pennetier, avec Jean-Baptiste Vey et Simon Carraud, Emmanuel Jarry, édité par Sophie Louet)