par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Le Comité de suivi des retraites (CSR) note une "amélioration lente mais sensible" du système français mais pointe du doigt le risque d'un écart croissant de niveau de vie entre retraités et actifs, dans son avis annuel remis lundi à Manuel Valls.
Placé auprès du Premier ministre depuis 2014, ce comité a pour mission de proposer des mesures correctives si le système s'écarte des objectifs fixés par les réformes successives.
Dans son troisième avis, il estime que "la situation et les perspectives du système de retraites ne s'éloignent pas de façon significatif des objectifs définis par la loi".
Il ne formule donc pas de recommandations pour l'année en cours, ce dont s'est félicité Manuel Valls dans un communiqué.
Cet avis et le rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites (COR), remis en même temps, "montrent que la France a su remettre son système de retraite sur la voie d'un équilibre financier durable", écrit le Premier ministre.
Vingt-cinq ans après le "Livre blanc" publié par le Premier ministre socialiste d'alors, Michel Rocard, qui tirait le signal d'alarme, avis du CSR et rapport du COR montrent cependant qu'un tel retour dépend encore de facteurs loin d'être maîtrisés.
En 2020, le système affichera encore un déficit de 0,2% du PIB, soit environ 4,5 milliards d'euros, prédit le CSR, qui reprend l'analyse du COR, publiée à la mi-juin.
Cette prévision, moins pessimiste qu'il y a un an, intègre un scénario macroéconomique gouvernemental plus favorable pour 2016 et les années suivantes et la mise en oeuvre de l'accord d'octobre 2015 entre les partenaires sociaux sur les régimes de retraite complémentaires des salariés du privé.
BAISSE DU TAUX DE REMPLACEMENT
L'impact des mesures prévues par cet accord est évalué à environ 0,3% de PIB en 2060, a précisé récemment le président du COR, Pierre-Louis Bras, lors d'une conférence de presse.
Mais l'objectif de la réforme du 20 janvier 2014 de quasi retour à l'équilibre en 2020 ne sera pas atteint sans nouvelles mesures ou amélioration de la conjoncture, juge le CSR.
Il estime en outre que, quel que soit le scénario envisagé, le niveau de vie des retraités, comparé à celui du reste de la population, "devrait se dégrader dans les 50 ans à venir" :
"La divergence d'évolution entre les revenus des actifs et ceux des retraités pourrait faire resurgir un risque de pauvreté ce qui appelle, pour l'avenir, une vigilance particulière."
Une baisse des taux de remplacement devrait ainsi intervenir à partir des générations nées à la fin des années 1950, à cause, notamment, de l'indexation des pensions sur les prix et non sur les salaires. Cette divergence sera d'autant plus prononcée que la croissance moyenne des revenus d'activité sera élevée.
Le CSR admet que cette évolution des taux de remplacement est un levier déterminant pour l'équilibre financier à long terme du système. Mais elle lui paraît également "de nature à fragiliser l'adhésion" des Français.
Pour le Comité, cela justifie une "réflexion active" sur des modes d'indexation susceptibles de rendre l'évolution relative des pensions moins sensible à celle de la croissance économique.
La question de l'avenir du système français de retraite par répartition sera vraisemblablement un des thèmes de la campagne présidentielle de 2017, à en juger par les projets des candidats à la primaire de la droite. Tous plaident en particulier pour un nouveau report de l'âge légal du départ à la retraite.
SIMULATIONS
Le COR explore dans son rapport les leviers qui permettraient de rétablir l'équilibre à l'horizon 2025 (âge de le retraite, niveau des pensions, cotisations), fournissant ainsi une sorte de boîte à outils aux candidats de tous bords.
Selon le COR, le report progressif de l'âge de la retraite à 65 ans à partir de la génération 1964, soit d'ici 2030, proposé par Alain Juppé, permettrait de revenir effectivement à l'équilibre dès 2025.
Sous l'hypothèse, toutefois, que le taux de chômage soit ramené à 7% d'ici dix ans et que le taux de croissance moyen des revenus d'activité soit de 1,5% par an sur la période, ce qui peut paraître optimiste concernant le chômage.
Mais "si nous avons un chômage à 10% sur les 50 prochaines années, je ne suis pas sûr que le problème des retraites soit le problème principal", fait valoir Pierre-Louis Bras.
L'ancien président Nicolas Sarkozy, principal rival du maire de Bordeaux à droite, propose pour sa part de porter l'âge de départ à 63 ans à partir de 2020 et à 64 ans en 2025.
Sous les mêmes hypothèses, ce scénario permettrait un excédent de 0,4% du PIB dès 2020, avec un pic à 1,0% en 2025, puis un retour à l'équilibre strict en 2040.
S'il ne prend pas position pour une solution ou une autre, le COR prévient lui aussi que le retour à l'équilibre se fera au prix d'une dégradation du niveau de vie relatif des retraités, sauf à revoir l'indexation des pensions.
(Edité par Yves Clarisse)