WASHINGTON (Reuters) - Le Fonds monétaire international (FMI) va probablement abaisser à nouveau sa prévision de croissance mondiale pour 2016 en raison de la faiblesse de la demande, d'un ralentissement des échanges et des investissements et du creusement des inégalités, a déclaré Christine Lagarde à Reuters.
Dans cette interview, la directrice générale du FMI a exhorté les dirigeants du G20 à agir bien plus fortement pour soutenir la demande, promouvoir le commerce international et la mondialisation et lutter contre les inégalités.
Si certaines menaces pressenties contre l'économie mondiale ne se sont pas encore matérialisées, comme une récession provoquée par le vote britannique en faveur d'une sortie de l'Union européenne ou un effondrement de la croissance chinoise, Christine Lagarde a tout de même évoqué "une croissance en léger déclin, fragile, faible et certainement pas alimentée par les échanges commerciaux".
"On pourrait affirmer que le Brexit ne provoque pas vraiment la crise énorme à laquelle nous nous attendions, on pourrait affirmer que la transition chinoise se déroule raisonnablement bien et on pourrait affirmer que les faibles prix des matières premières ont un peu augmenté", a-t-elle dit. "C'est la surface."
"Quand on observe les perspectives de croissance économique dans leur profondeur, le potentiel de croissance, la productivité, nous ne recevons pas de très bons signaux et nous allons probablement réviser à la baisse notre prévision de croissance pour 2016", a-t-elle ajouté.
Le FMI publiera ses nouvelles perspectives économiques mondiales début octobre avant son assemblée annuelle. S'il agit conformément à ce qu'annonce sa directrice générale, il s'agirait du sixième abaissement en 18 mois de sa prévision de croissance mondiale.
Evoquant les incertitudes provoquées par la victoire du Brexit au référendum du 23 juin au Royaume-Uni, le FMI a déjà abaissé en juillet sa prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial à 3,1% pour cette année et à 3,4% pour 2017, soit dans les deux cas une baisse d'environ un dixième de point.
MISE EN GARDE AU G20
Les conséquences économiques du Brexit ne se feront sans doute pas pleinement ressentir avant 2017, lorsque se précisera la nature de la future relation entre la Grande-Bretagne et l'UE, a dit Christine Lagarde, tout en relevant que la richesse des Britanniques avait déjà été amputée par la dépréciation de 15% de la livre sterling depuis leur vote en faveur d'une sortie de l'UE.
La directrice générale du FMI compte mettre en garde les dirigeants du G20 lors de leur sommet de dimanche et lundi à Hangzhou, en Chine, sur le fait que de nouvelles contractions de la croissance potentielle et l'ajout d'obstacles à la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes leur nuiraient à tous.
A ses yeux, les individus pénalisés par la mondialisation du commerce et l'innovation devraient être soutenus par des politiques publiques de formation, d'acquisition de nouvelles compétences et de développement de la mobilité.
"C'est une chose dont tous les pays et tous les gouvernements devraient se préoccuper et au sujet de laquelle ils devraient être mobilisés", a dit Christine Lagarde.
Dans une note adressée aux dirigeants du G20, le FMI souligne que le recul du volume des échanges commerciaux a freiné la croissance et il les exhorte à défendre publiquement les avantages du commerce international.
Au sujet de la Grèce, Christine Lagarde s'est dite encouragée par ses récents efforts de privatisation et elle a exprimé l'espoir que les réformes réclamées à ce pays pour bénéficier d'une aide financière internationale seraient bientôt adoptées et mises en oeuvre.
Le FMI n'est cependant toujours pas disposé à participer au dernier plan de sauvetage de la Grèce, le Fonds réclamant un allègement du fardeau de la dette grecque auquel les pays de la zone euro sont réticents.
"Nous ne participons pas à ce programme car j'ai dit de manière répétée que ce programme devait marcher sur deux jambes. La première est qu'il doit y avoir des réformes importantes et la deuxième est qu'il doit y avoir une dette qui est viable selon nos normes et nos mesures et cela n'est pas le cas à l'heure actuelle", a dit Christine Lagarde.
(David Lawder, Bertrand Boucey pour le service français, édité par Marc Joanny)