par Philip Pullella et Gabriel Stargardter
CIUDAD JUAREZ, Mexique (Reuters) - Le pape François a célébré mercredi, au dernier jour de son voyage apostolique au Mexique, une messe à Ciudad Juarez, à la frontière des Etats-Unis, point de passage pour les migrants où la violence liée au trafic de drogue a fait pendant des années des milliers de morts.
Le pape a grimpé le long d'une rampe ornée de fleurs jusqu'à une croix érigée par la ville en mémoire des migrants qui ont péri en tentant de rejoindre le territoire américain, à quelques mètres de là, face au Rio Grande qui sépare Ciudad Juarez de la ville texane d'El Paso.
François a célébré ensuite une messe sur une vaste esplanade située à quelque 70 mètres seulement de la frontière. Une connexion vidéo permettait la retransmission en direct de la cérémonie dans un stade universitaire d'El Paso.
Evoquant l'immigration, il a déploré le sort de migrants "réduits en esclavage, emprisonnés, victimes d'extorsion" et s'en est pris avec virulence aux trafiquants d'êtres humains.
"L'injustice est encore plus radicale pour les jeunes qui sont de la chair à canon, persécutés et menacés quand ils essaient de fuir la spirale de la violence et l'enfer de la drogue. Il y a aussi toutes ces femmes injustement privées de leurs vies", a lancé le Saint-Père.
Ces propos interviennent en pleines primaires aux Etats-Unis, où les candidats à l'investiture républicaine pour la présidentielle de novembre ont fait de la lutte contre l'immigration illégale l'un de leurs principaux thèmes de campagne.
CRITIQUE DU CAPITALISME
L'homme d'affaires Donald Trump, notamment, a accusé le Mexique de "tuer" les Etats-Unis avec sa main d'oeuvre à bon marché et l'envoi sur le territoire américain "de criminels, trafiquants de drogue et autres violeurs".
La semaine dernière, le milliardaire new-yorkais a présenté le pape comme quelqu'un de "très politique", suggérant que le gouvernement mexicain l'avait convaincu de célébrer cette messe "transfrontalière" à Ciudad Juarez.
"Laisser entendre que le pape est un instrument du gouvernement mexicain, non... C'est vraiment très étrange", a répondu le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, peu avant l'arrivée du pape dans la ville-frontière.
"Le pape parle toujours des problèmes liés à l'immigration. Si M. Trump venait en Europe, il se rendrait compte que le pape, sur l'immigration, tient le même langage à tous, Italiens, Allemands, Français ou Hongrois..."
Quelques heures avant la messe, François s'est livré à une sévère critique du capitalisme devant des chefs d'entreprises et des représentants syndicaux de Ciudad Juarez.
"Les flux de capitaux ne peuvent décider des flux de population", a déclaré le pape, dénonçant "la mentalité dominante qui cherche le profit maximum, immédiat et à n'importe quel prix" ainsi que "l'exploitation des employés considérés comme des objets qu'on jette après usage".
"Les esclavagistes d'aujourd'hui auront des comptes à rendre à Dieu", a-t-il ajouté.
Le pape, qui a entamé sa visite vendredi, quittera le Mexique dans la soirée pour regagner Rome.
(Guy Kerivel, Jean-Philippe Lefief et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)