Les restrictions imposées par Pékin aux entreprises étrangères, en net contraste avec le flot d'investissements chinois en Europe, pourraient attiser le ressentiment populaire et les tentations protectionnistes, avertit la Chambre de commerce de l'UE en Chine, exigeant davantage de réciprocité.
"La route de l'Europe vers la Chine est devenue un sentier rocailleux et difficile" tandis que les investissements du géant asiatique en Europe "au contraire explosent", a commenté jeudi le président de la Chambre, Joerg Wuttke.
Les investissements chinois vers l'UE ont bondi de 44% en 2015 à 20 milliards d'euros, ce qui représentait le double des investissements européens vers la Chine, et "pour le premier semestre 2016, c'est le triple", a résumé M. Wuttke lors d'un entretien avec quelques journalistes.
Depuis janvier, les annonces d'acquisitions chinoises se multiplient, de l'industrie au football, la dernière opération en date visant le fleuron allemand de la robotique Kuka, racheté pour 4,6 milliards d'euros.
Mais alors que l'Europe se montre "extrêmement ouverte", les investisseurs européens "n'oseraient même pas en rêve imaginer racheter un aéroport ici en Chine", se désole Joerg Wuttke, en référence au rachat de l'aéroport de Toulouse par un consortium chinois.
"Vous rencontrez ici les mêmes obstacles depuis 20 ans, et voilà que maintenant la Chine débarque chez vous pour faire son shopping. Pour Pékin, l'Europe est un plantureux banquet à profusion, tandis que nous, (la Chine) nous réserve quelques plats et une soupe, et basta", ironise-t-il. Avocats, pharmacie, automobile... la liste des restrictions est longue.
Pékin prône volontiers des échanges économiques "gagnant-gagnant" avec ses partenaires, mais la formule "ne marche qu'à sens unique", insiste la Chambre de commerce de l'UE en Chine, dans son rapport annuel publié jeudi.
-'Ecart intenable'-
"L'écart est immense et intenable sur la durée(...) Si la Chine se refuse à offrir la réciprocité dans l'accès à son propre marché, elle ne peut espérer bénéficier indéfiniment d'un accès ouvert et sans entraves aux marchés européens", poursuit la Chambre, qui représente quelque 1.800 entreprises.
La poussée chinoise ne cesse de s'affirmer: les investissements directs du pays à l'étranger ont triplé entre 2010 et 2015, et devraient encore doubler à nouveau d'ici à 2020, atteignant 1.000 milliards de dollars sur les cinq prochaines années, selon le gouvernement.
"Le contraste frappant" avec les restrictions perpétuées par Pékin pourrait faire évoluer la position des élus sous la pression d'un possible "ressentiment anti-chinois" dans l'opinion publique, prévient M. Wuttke. "Nous, entreprises européennes, avons peur d'un contrecoup en Europe qui conduirait à des politiques plus protectionnistes".
Les investissements chinois vers l'UE reflètent par ailleurs le poids toujours dominant des groupes étatiques dans l'économie chinoise: ils sont à l'origine de 70% des sommes investies en Europe.
Pékin s'efforce de restructurer ses entreprises publiques, souvent des géants très endettés et mal administrés, minés pour certains par de colossales surcapacités de production.
Mais les réformes structurelles restent entravées par les administrations locales: les fusions opérées entre sociétés étatiques pour créer des "champions nationaux" --dans le chemin de fer ou les métaux-- contribuent à renforcer leurs pouvoirs et leurs monopoles, et elles conservent leur accès à du crédit bon marché.
Dans ce contexte, les investissements des groupes publics en Chine ont bondi de 23,5% au premier semestre 2016, tandis que ceux du secteur privé se tarissent, s'alarme le rapport de la Chambre.
D'après lui, insuffisamment innovantes, ces firmes publiques multiplient les emplettes à l'étranger: "les secteurs prioritaires" désignés par Pékin "ressemblent à une +liste de courses+ d'entreprises et technologies que la Chine n'a pas été capable de développer en interne".