par John Irish et Jean-Baptiste Vey
BERLIN/PARIS (Reuters) - La France et l'Allemagne ont demandé samedi à la Grande-Bretagne d'entamer les négociations en vue de sa sortie de l'Union européenne, le gouvernement français mettant en garde contre le risque d'une contagion populiste qui pourrait s'exprimer dans d'autres Etats tentés de suivre l'exemple britannique.
Les ministres des Affaires étrangères des six pays fondateurs de la communauté européenne - Allemagne, France, Italie, Belgique, Pays-Bas et Luxembourg - se sont retrouvés samedi à Berlin pour dégager une position commune après le référendum de jeudi.
Les positions de la France et de l'Allemagne, couple moteur de la construction de l'Europe, ont paru diverger sensiblement sur le rythme à suivre dans cette procédure de divorce entre Londres et Bruxelles.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a plaidé pour une ouverture rapide des négociations tandis que son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier se montrant plus prudent.
Le chef de la diplomatie française a insisté sur la nécessité de "redonner du sens" à l'Europe sous peine de voir "le populisme s'enraciner".
"Il faut dire aux Britanniques qu'on ne peut pas attendre. Il faut s'organiser dans l'intérêt commun", a dit Jean-Marc Ayrault dans l'avion qui le menait à Berlin, avant une réunion des dirigeants allemand, français et italien lundi à Berlin et un conseil européen mardi et mercredi.
Le président du parlement européen, l'Allemand Martin Schulz, a lui aussi fait pression sur le Royaume-Uni, lui demandant d'enclencher le processus de départ mardi lors du sommet européen.
"Nous attendons du gouvernement britannique qu'il fasse dès maintenant ce qu'on attend de lui", déclare Schulz au Bild am Sonntag. "Le sommet, mardi, sera le moment adéquat pour le faire".
En Slovaquie, le parti du peuple (extrême droite) a lancé une pétition en faveur d'un référendum semblable à celui organisé en Grande-Bretagne. "Les citoyens de Grande-Bretagne ont refusé le diktat de Bruxelles. Il est grand temps pour la Slovaquie de quitter également le Titanic européen", écrit le parti sur son site.
"La procédure doit être mise en oeuvre dès que possible afin que nous ne restions pas dans l'incertitude et que nous nous concentrions sur l'avenir de l'Europe", a reconnu Frank-Walter Steinmeier.
MERKEL NE VEUT RIEN PRÉCIPITER
La chancelière Angela Merkel s'est montrée, elle, encore plus prudente, affirmant ne pas vouloir précipiter la procédure de sortie de la Grande-Bretagne et souhaitant lui accorder une marge de manoeuvre dans les négociations.
"Tout à fait franchement, il ne faudrait pas que cela prenne des années, c'est vrai, mais je ne vais pas militer pour un calendrier serré", a dit la dirigeante allemande devant la presse lors d'une réunion de son parti, la CDU, près de Berlin.
A Paris, François Hollande a de son côté insisté sur la nécessité d'adopter une position ferme, afin d'éviter que les Britanniques fassent traîner les négociations pour obtenir davantage de l'UE.
Le président français, qui a multiplié les contacts depuis vendredi avec ses partenaires européens, s'est entretenu samedi au téléphone avec le Premier ministre grec, Alexis Tsipras.
"L'un et l'autre ont convenu qu'il ne pouvait pas y avoir de période d'incertitude pour l'Europe, qu'il fallait qu'il puisse y avoir une totale clarté à la fois sur le calendrier et les procédures" de sortie du Royaume-Uni de l'UE, a-t-on appris auprès de la présidence de la République.
"Nous devons en tirer toutes les conclusions et toutes les conséquences", avait auparavant déclaré François Hollande à l'Elysée. "Nous devons maintenant organiser cette séparation mais nous devons le faire en bon ordre et avec les règles qui sont celles prévues par les traités qui doivent être mises en oeuvre."
Cette position est également partagée par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. "Attendre jusqu'en octobre (date de la démission annoncée de Cameron) pour négocier les termes de leur départ n'a pas de sens", a dit Juncker.
Ce dernier a enregistré samedi la démission du commissaire aux Services financiers, le Britannique Jonathan Hill, et a confié ce portefeuille au Letton Valdis Dombrovskis, en charge de la monnaie unique au sein de la Commission européenne.
CAMERON ET JOHNSON PAS PRESSÉS
Evoquant le Conseil européen qui s'ouvrira mardi à Bruxelles, Jean-Marc Ayrault a estimé qu'il y aurait une "forte pression" sur David Cameron pour qu'il notifie officiellement l'UE de l'intention de son pays d'en sortir en invoquant l'article 50 du traité européen de Lisbonne sans attendre octobre date de la prochaine convention du parti conservateur britannique qui devrait choisir son successeur.
David Cameron a annoncé vendredi qu'il laisserait le soin à son remplaçant d'invoquer l'article 50 qui déclenchera jusqu'à deux ans de négociations sur la sortie de son pays de l'UE.
Quant à Boris Johnson, son possible successeur qui a fait campagne pour le Brexit, il a jugé qu'"il n'y avait actuellement nul besoin de se hâter (...). Il n'y a aucune raison de se précipiter à invoquer l'article 50".
Pour être sur la même ligne que l'Allemagne et l'Italie, sur la sortie du Royaume-Uni et les nouvelles propositions pour l'Europe, François Hollande a dîné avec le président du Conseil italien, Matteo Renzi, samedi à Paris, avant que les trois dirigeants se retrouvent lundi à Berlin.
Matteo Renzi et François Hollande ont fait preuve d'une grande convergence de vues sur la manière de traiter la sortie du Royaume-Uni et surtout de relancer l Europe, a-t-on indiqué dans l'entourage du président français.
Le Conseil européen mardi et mercredi sera, selon lui, la première étape de la reconquête de la confiance des concitoyens dans l'Union.
(Avec John Irish à Berlin, Jean-Baptiste Vey à Paris, Eric Faye pour le service français)