par Sophie Louet
PARIS (Reuters) - Bruno Le Maire entre officiellement mardi dans la compétition pour la primaire de la droite et du centre, une candidature qu'il défend comme celle du renouveau face au trio de tête Juppé-Sarkozy-Fillon, "ceux qui ont déjà eu leur chance".
Le député de l'Eure, âgé de 46 ans, se déclarera dans la soirée à Vesoul (Haute-Saône), loin des chapelles parisiennes, au coeur de cette France qu'il parcourt depuis 2012 pour prendre le pouls de la population, bâtir des réseaux et préparer l'assaut ultime: la présidentielle de 2017.
Troisième ou quatrième dans les sondages pour la primaire avec au plus 12% des intentions de vote, l'outsider de l'élection à la présidence de l'ex-UMP (29,18% des voix en novembre 2014 face à Nicolas Sarkozy) croit en ses chances.
L'"énarque défroqué" né dans une famille bourgeoise à Neuilly-sur-Seine, au parcours académique exemplaire (Ecole normale supérieure, premier de l'agrégation de lettres modernes, Sciences Po, Ena) entend casser les codes pour présenter aux électeurs des idées neuves et "trancher enfin des questions que la droite a mises sous le tapis depuis des années."
Féru de littérature, "l'école de la rébellion", écrivain lui-même, Bruno Le Maire, qui a démissionné de la fonction publique, juge que la France "crève de la domination des techniciens et des apparatchiks pour qui la politique est tout".
Dans un livre à paraître mercredi, "Ne vous résignez pas!", il fustige le déclassement français, "fruit de notre lâcheté collective", et invite à "faire confiance à la société".
"Nous avons reculé devant les choix difficiles, dilué les décisions essentielles dans les décisions accessoires, perdu le sens de notre action", écrit-il notamment à propos du précédent quinquennat.
"SAVOIR TOURNER DES PAGES"
Au fil de ses quelque 320 déplacements à travers la France, "Bruno, le Renouveau" est parvenu paradoxalement à apparaître comme un homme neuf, lui l'héritier du système, grandi à l'ombre de Jacques Chirac et Dominique de Villepin.
L'ancien ministre des Affaires européennes et de l'Agriculture de Nicolas Sarkozy n'hésite plus à flétrir en lui un symbole des "faillites" -- économique, morale...-- qu'il impute aux gouvernements de gauche et de droite passés.
En décembre dernier, Bruno Le Maire dénonçait l'"exception française" qui veut que les battus reviennent en scène.
"Je pense qu'il est mieux pour notre famille politique de savoir tourner des pages, inventer de nouvelles offres politiques, mettre en avant de nouveaux visages, de nouveaux comportements, de nouvelles idées", soulignait-il sur France 2.
Les relations avec Nicolas Sarkozy n'en sont pas moins cordiales, de même qu'avec Alain Juppé ou François Fillon.
Mais plus l'échéance approche, plus le ton est martial.
"Si je gagne la primaire, et je vais la gagner, Sarkozy, Juppé et Fillon ne vont pas demander de poste. C'est pour cette raison que cette campagne sera féroce, c'est une question de vie ou de mort", dit Bruno Le Maire dans Le Monde du 22 février.
"JE PORTE EN MOI TOUTES LES DROITES"
L'élu, qui assume des idées radicales prône des "choix clairs" quitte à s'exposer aux procès en "droitisation".
Le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, avait estimé en février 2015 que Bruno Le Maire, qui "pense comme Buisson et se présente comme Juppé", était "le plus dangereux" à droite.
Plafonnement des aides sociales, privatisation de Pôle Emploi, suppression des contrats aidés pour réorienter les subventions de l'Etat vers le soutien aux apprentis et les PME "qui embauchent", réforme fiscale avec suppression de l'ISF sont parmi les pistes avancées par Bruno Le Maire, qui devrait publier un livre-programme à la fin de l'été.
Partisan du mariage homosexuel, il se montre intransigeant sur la laïcité, plaide pour une contrôle strict de l'immigration, milite après les attentats du 13 novembre pour l'envoi de troupes françaises au sol en Syrie ou l'expulsion des ressortissants étrangers visés par une fiche "S".
"Je porte en moi toutes les droites, la droite orléaniste et libérale, la droite gaulliste et bonapartiste, la droite plus à droite qui rejetait de Gaulle et à laquelle je me suis toujours farouchement opposé", écrit-il dans "Ne vous résignez pas".
(Edité par Yves Clarisse)