par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Les mesures d'économies annoncées par le gouvernement sur la politique familiale ont déclenché, sans surprise, un tollé dans l'opposition de droite mais semblent également loin de faire l'unanimité à gauche et chez les syndicats.
La ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, qui ne manque jamais l'occasion d'affirmer son attachement à la politique de la famille, s'est même réjouie mardi du débat ainsi suscité et a laissé entendre que le Parlement aurait son mot à dire.
"Je me réjouis de la sensibilité à la remise en cause d'un certain nombre de mesures de la politique familiale", a-t-elle déclaré sur France Inter. "Ça prouve que les Français, l'opinion publique, (sont) très attachés à la politique familiale."
La ministre de la Santé et le secrétaire d'Etat au Budget, confrontés au risque d'une nouvelle dérive des comptes sociaux, ont annoncé lundi 700 millions d'euros d'économies sur les prestations familiales en 2015.
La prime à la naissance sera ainsi divisée par trois à partir du deuxième enfant pour un gain attendu de 250 millions d'euros, a dit Marisol Touraine en présentant le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
La durée du congé parental sera par ailleurs maintenue à trois ans au total au-delà d'un enfant mais partagée entre le père et la mère et tout parent qui ne demandera pas à en bénéficier en perdra le bénéfice.
"MATRAQUAGE"
Le gouvernement prévoit aussi de décaler de 14 à 16 ans l'âge des enfants ouvrant droit à une majoration des allocations familiales et de diviser par deux l'aide à la garde des enfants de moins de six ans pour les familles les plus aisées.
L'annonce de ces mesures intervient six jours avant de nouveaux défilés dimanche à Paris et Bordeaux, à l'appel des militants de "La manif pour tous" contre le mariage homosexuel, la gestation pour autrui et la procréation médicalement assistée, déjà prompts à accuser le gouvernement de "familliophobie".
Le président du groupe UMP à l'Assemblée, Christian Jacob, a dénoncé "un matraquage sans précédent de la famille". Son collègue Hervé Mariton, figure de "La manif pour tous", a accusé Marisol Touraine d'hypocrisie quand elle justifie la réforme du congé parental par "la rengaine de l'égalité homme-femme".
"Mettre les familles en difficulté, vous croyez que ça va améliorer la situation ? C'est une blague", a renchéri Henri Guaino, ex-conseiller de l'ancien président Nicolas Sarkozy.
Michèle Tabarot, également députée UMP et Présidente du groupe d'études parlementaires sur la Famille et l'Adoption, a demandé la convocation d'états généraux de la famille "pour mettre un terme à l'improvisation totale du gouvernement".
Famille de France estime que le report à 16 ans de la majoration des allocations familiales fera perdre 1.500 euros par enfant au moment de l'adolescence et demande, à propos de la réduction de la prime de naissance : "Le gouvernement souhaite-t-il inciter les familles à n'avoir qu'un seul enfant ?"
Les mesures annoncées sont notamment au détriment des jeunes couples et des mères de famille, ajoute dans un communiqué cette association, qui demande une large concertation.
L'Union des familles en Europe déplore que la France ne soit plus qu'au 8e rang "en termes de générosité avec les familles" sur le continent, après le Danemark, Le Luxembourg, l'Allemagne, la Suède, la Finlande, l'Islande et la Norvège.
"SI VOUS N'ENTENDEZ PAS CRIER ..."
Mais cette association renvoie dos à dos gauche et droite, qu'elle accuse de faire de la politique familiale la "vache à lait de la Sécu".
Les critiques sont aussi venues d'organisations syndicales comme la CFTC, la CFDT et l'Unsa, pourtant plutôt bien disposées envers le gouvernement.
Interrogé par Linternaute.com, 20 Minutes et Ouest-France, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a ainsi jugé le projet gouvernemental "très confus", manquant de sens et obéissant à une "logique du rabot".
La CFTC déplore pour sa part, dans un communiqué, "le coup une nouvelle fois porté aux familles".
Quant à l'Unsa, elle demande que "les plus fragiles soient épargnés et ne voient pas leurs allocations amputées".
Les sénateurs communistes ne sont pas en reste : ils dénoncent eux aussi une "véritable attaque contre les familles et une "politique inégalitaire et profondément injuste" qui va "complètement à l'encontre des besoins" du pays.
Il n'y a pas de plan d'économies indolore, a répliqué François Hollande. "Si vous n'entendez pas crier c'est que nous ne faisons pas d'économies. Donc oui, vous entendez", a dit le chef de l'Etat à des chefs d'entreprise.
(Edité par Sophie Louet)