par Andreas Kröner et Maiya Keidan
FRANCFORT/LONDRES (Reuters) - John Cryan, président du directoire de Deutsche Bank (DE:DBKGn), s'est efforcé vendredi de rassurer les salariés de la banque allemande malgré une nouvelle tempête boursière provoquée par la crainte de voir des fonds spéculatifs donner le coup d'envoi d'une vague de départs au sein de la clientèle de l'établissement.
Après avoir chuté de près de 9% en début de séance pour tomber à un plus bas historique de 9,898 euros, le titre effaçait une partie de ses pertes en Bourse de Francfort et cédait 4,92% à 10,34 euros vers 10h21 GMT pour une capitalisation boursière ramenée à environ 15 milliards d'euros.
Perçue comme un établissement fragile depuis plusieurs mois, Deutsche Bank a été un peu plus affaiblie mi-septembre avec la décision du département américain de la Justice de réclamer à son encontre une amende de 14 milliards de dollars (12,5 milliards d'euros) pour la vente de titres adossés à des actifs immobiliers avant la crise des "subprimes".
Le gouvernement allemand a démenti mercredi préparer le moindre plan de sauvetage pour la première banque du pays, dont les problèmes réveillent chez les investisseurs le souvenir de la crise financière de 2008 déclenchée par la faillite de Lehman Brothers aux Etats-Unis.
Dans un message interne que Reuters a pu consulter, John Cryan dénonce les "spéculations" au sujet du départ de "quelques" clients parmi les fonds spéculatifs et reproche à "certaines forces" d'être à l'origine d'informations de presse déstabilisantes pour la banque.
CRYAN INVITE À "REGARDER LE TABLEAU DANS SON ENSEMBLE"
Des sources ont déclaré à Reuters qu'un important fonds spéculatif d'Asie avait retiré au cours des deux derniers jours pour 50 millions de dollars de titres déposés en garantie auprès de Deutsche Bank. D'autres sources ont dit que ce phénomène s'était produit ailleurs mais à une moindre échelle.
Dans sa note aux quelque 100.000 salariés du groupe, John Cryan s'efforce de mettre ces mouvements en perspective.
"Il faut regarder le tableau dans son ensemble", écrit-il. "Deutsche Bank a plus de 20 millions de clients."
Le président du directoire, qui a engagé une vaste réorganisation de l'établissement après son arrivée en juillet 2015, assure que la banque a les reins solides avec un matelas de fonds propres suffisant. "Nous sommes et restons une puissante Deutsche Bank", écrit-il.
L'incertitude quant à l'issue du litige juridique aux Etats-Unis ne justifie pas les pressions actuellement exercées sur le cours de Bourse de la banque, dont certains concurrents ont obtenu par le passé des amendes inférieures au montant initialement réclamé dans des dossiers similaires, rappelle John Cryan.
Les marchés financiers semblent toutefois en douter.
Les obligations convertibles contingentes (Coco) de Deutsche Bank sont tombées vendredi à un plus bas record, l'obligation à 6% de coupon se traitant à 69,55% du pair, contre 83% un peu plus tôt dans le mois.
Ce type d'obligations est convertible en actions lorsque le niveau de fonds propres d'un établissement tombe sous un certain seuil.
"Peu importe que la banque soit véritablement en difficulté ou non, si les gens pensent que c'est le cas, c'est une mauvaise nouvelle", dit Lyn Graham-Taylor, stratège marchés chez Rabobank.
Barry Bausano, président de l'activité hedge funds de Deutsche Bank, a déclaré à la chaîne CNBC que la division de "prime brokerage" restait "très rentable". Mais, a-t-il reconnu, "il ne fait pas de doute que nous avons un problème de perception".
(Avec Jonathan Gould, Georgina Prodhan, Kathrin Jones et John Geddie à Francfort; Bertrand Boucey pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)