Un système "complexe" et des "idées reçues": 70 ans après sa création, l'impôt sur les sociétés doit évoluer, afin de s'adapter à la nouvelle donne économique internationale, estime le Conseil des prélèvements obligatoires, qui recommande une plus grande harmonisation fiscale au niveau européen.
L'"IS", premier impôt direct pour les entreprises françaises, avec un produit net annuel de 33,5 milliards d'euros, "a été créé dans une économie beaucoup moins ouverte qu'elle ne l'est aujourd'hui", souligne cet organisme associé à la Cour des comptes dans un rapport rendu public jeudi.
L'évolution de cet impôt emblématique, dont les grandes lignes ont été posées en 1948, apparaît donc "souhaitable", ajoute le rapport, qui juge la cohérence initiale de l'IS mise à mal par la "mobilité internationale accrue des capitaux, des entreprises et des talents".
En cause notamment: le taux d'imposition des entreprises françaises, jugé trop élevé au regard de celui appliqué dans les autres pays européens. Ce qui nuit à l'attractivité de la France et favorise - selon ses détracteurs - l'évasion des bénéfices et les stratégies d'évitement fiscal.
La France dispose en effet de l'impôt sur les sociétés le plus élevé des 28 membres de l'Union européenne, avec un taux nominal de 33,3%, voire 38% si l'on y ajoute la contribution sociale sur les bénéfices et la contribution exceptionnelle sur l'IS. Et cela, malgré l'existence d'un taux réduit de 15% pour les petites entreprises.
Or le rendement de l'IS, auquel sont assujetties 1,5 million d'entreprises, mais qui n'est acquitté au final que par la moitié d'entre elles, est relativement faible, en raison principalement selon le CPO des faibles profits des entreprises françaises
"Avoir le taux d'imposition le plus élevé ne garantit pas d'avoir le rendement le plus élevé", résume Didier Migaud, président de la Cour des Comptes. Qui met en garde contre une concurrence fiscale croissante, alors que le Royaume-Uni a prévu d'abaisser son taux d'IS de 20 à 17% à l'horizon 2020.
- la fin du taux réduit? -
Face à cette situation, le gouvernement s'est engagé à ramener le taux d'IS à 28% dès 2017 pour une partie des PME, puis pour l'ensemble des entreprises à l'horizon 2020, avec des paliers intermédiaires en 2018 et 2019. Avec en ligne de mire une possible harmonisation au niveau européen.
"C'est un mouvement qui doit être poursuivi", même s'"il ne faut pas s'engager dans une course au moins-disant fiscal", estime Didier Migaud.
Dans son rapport, le conseil des prélèvements obligatoires propose de ramener le taux d'IS à court terme "vers la moyenne européenne des grandes économies", soit 25%. "Cet effort pourrait être en partie gagé par des évolutions de l'assiette et des modalités de calcul de l'impôt", juge l'institution.
Le taux réduit d'IS, dont ont bénéficié 670.000 petites et moyennes entreprises en 2014, et que le gouvernement a décidé de maintenir sur une partie des bénéfices des sociétés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions d'euros, n'a en revanche plus lieu d'être, selon le CPO, qui prône sa suppression.
Ce taux réduit est défendu par les représentants des entreprises concernées mais aussi par nombre de députés qui le considèrent comme nécessaire afin de soutenir l'activité et l'emploi dans les PME, jugées plus fragiles financièrement que les grandes entreprises.
"Ca fait partie des idées reçues qui ne correspondent pas à la réalité", assure de son côté Didier Migaud, pour qui la rentabilité financière nette des PME est aujourd'hui supérieure à celle des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des grandes entreprises.
Les orientations proposées "se veulent efficaces et pragmatiques", conclut le CPO. Qui appelle, au-delà de ces réformes de court terme, à renforcer la coopération entre Etats européens pour lutter "contre l'optimisation fiscale agressive"... et faire en sorte que les entreprises contribuent bel et bien "au financement des services publics dont elles bénéficient".