par Ahmed Rasheed et Maher Chmaytelli
BAGDAD (Reuters) - Près de 120 personnes ont été tuées et 200 autres blessées dans deux attentats qui ont visé des quartiers populaires de Bagdad dans la nuit de samedi à dimanche, alors que les habitants étaient rassemblés pour célébrer le ramadan, selon un bilan fourni par la police et les services médicaux.
L'attentat le plus meurtrier, revendiqué par les djihadistes sunnites de l'Etat islamique dans un communiqué diffusé par ses partisans sur les réseaux sociaux, a eu lieu vers minuit dans le secteur commerçant de Karrada. Les explosifs qui se trouvaient dans un camion réfrigéré ont fait 115 morts et 200 blessés. L'EI a dit qu'il s'agissait d'un attentat suicide.
Il s'agit de l'acte la plus sanglant commis à Bagdad depuis le début de l'année. Il survient une semaine après la prise de Falloudja à l'EI par les troupes irakiennes appuyées par les milices chiites.
Beaucoup d'Irakiens dînent tard en ville durant le mois de jeûne du ramadan, qui se termine la semaine prochaine.
Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montre un incendie important dans la rue principale de Karrada après l'explosion.
Sur des images tournées dimanche matin par Reuters TV, on peut voir quatre bâtiments sévèrement touchés ou en partie détruits.
Karrada est un quartier à majorité chiite où vit également une petite communauté chrétienne et qui abrite aussi plusieurs mosquées sunnites.
Le Premier ministre Haïdar al Abadi s'est rendu en convoi sur le site de l'attentat, où il a essuyé des jets de pierres et de bouteilles de la part d'habitants furieux de l'incapacité des forces de sécurité à empêcher de tels carnages.
Cité par la presse publique, il a ensuite assuré comprendre leur réaction. Haïdar al Abadi a en outre décrété un deuil national de trois jours.
FAUX DÉTECTEURS D'EXPLOSIFS
L'attentat a accru la détermination des Etats-Unis à combattre l'Etat islamique, dit quant à elle la Maison blanche, dans un communiqué.
"Nous restons solidaires du peuple irakien et de son gouvernement dans nos efforts combinés pour éradiquer l'EIIL", ajoute-t-elle.
Sur les réseaux sociaux, beaucoup d'internautes accusent les forces de l'ordre de continuer à utiliser de faux détecteurs d'explosifs aux points de contrôle qui filtrent la circulation dans la capitale irakienne, cinq ans après la révélation de cette escroquerie.
Un policier a confirmé que ces détecteurs, baptisés ADE 651 mais plus communément appelés "bagettes magiques", étaient toujours utilisés. Haïdar al Abadi a ordonné dans la soirée leur interdiction. Ils ont été vendus à l'Irak et d'autres pays par un homme d'affaires britannique qui a été condamné à dix ans de prison en 2013 au Royaume-Uni pour mise en danger de la vie d'autrui à des fins lucratives.
Le second attentat, qui a également eu lieu vers minuit, s'est produit sur un marché dans le quartier chiite d'Al Chaab, dans le nord de la capitale irakienne. Une mine a explosé, faisant deux morts.
Les forces gouvernementales irakiennes ont chassé la semaine dernière les derniers combattants de l'EI de Falloudja, une ville située à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de Bagdad que les djihadistes utilisaient comme base arrière pour mener de telles attaques dans la capitale.
Les activistes "cherchent à effacer leur humiliante défaite de Falloudja", a déclaré Djassim al Bahadli, ancien officier de l'armée reconverti en expert des questions de sécurité à Bagdad.
"C'était une erreur pour le gouvernement de penser que la source des attentats était confinée à une seule région", a-t-il ajouté. "Il y a des cellules dormantes qui opèrent indépendamment les unes des autres."
Ces attentats ont été condamnés par plusieurs pays dont la France, le président François Hollande dénonçant "l'oeuvre de criminels abjects".
(Tangi Salaün, Danielle Rouquié, Jean-Stéphane Brosse et Jean-Philippe Lefief pour le service français)