DIJON, Côte-d'Or (Reuters) - Le grand-oncle et la grand-tante de Grégory Villemin, retrouvé noyé pieds et poings liés dans une rivière des Vosges le 16 octobre 1984, ont été mis en examen vendredi à Dijon pour enlèvement et séquestration de mineur suivis de mort, a annoncé le procureur général Jean-Jacques Bosc.
Marcel et Jacqueline Jacob, deux septuagénaires, étaient des proches de Bernard Laroche, leur neveu, qui fut le premier inculpé et placé en détention dans ce dossier hors norme, avant d’être remis en liberté et abattu d’un coup de fusil par Jean-Marie Villemin, le père de l’enfant de quatre ans.
Le mari, qui nie les faits, et la femme, qui garde le silence ont été placés en détention provisoire dans l’attente d’une délibération, la semaine prochaine, de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dijon.
Ginette Villemin, la tante de Grégory, qui avait été interpellée mercredi en même temps qu’eux, a été remise en liberté jeudi soir sans qu’aucune charge soit retenue contre elle.
Les époux Jacob semblent avoir été mis en cause par un minutieux travail de reconstitution du dossier plus que par des éléments nouveaux, hormis l’attribution, à Jacqueline Jacob, d’une des trois lettres de menaces envoyée à la famille Villemin en 1983 et sa ressemblance terminologique avec celle revendiquant le crime, ce que dénoncent leurs avocats.
"Le dossier révèle un lien indissociable entre les trois lettres anonymes de 1983, le courrier posté le jour du crime et l’enlèvement", a affirmé Jean-Jacques Bosc, lors d’une conférence de presse.
Un même lien terminologique peut, selon lui, être établi avec les très nombreux appels anonymes du "corbeau" - qui s’avèrera être double, un homme et une femme - qui harcelait et menaçait des membres de la famille Villemin.
PAS D'ALIBI
L’hypothèse qu’ils soient les auteurs de ces appels malveillants « n’a jamais été contredite par un quelconque alibi de leur part ou une impossibilité matérielle de les passer », a précisé le procureur général.
Ils n’auraient pas non plus « d’alibi confirmé » le jour du crime.
Le procureur évoque encore la dissimulation par Marcel Jacob, « contre l’évidence », de ses antagonismes « parfois violents » avec les parents de Grégory, et notamment de Jean-Marie Villemin qu’il appelait « le chef », comme dans les lettres anonymes.
Les avocats des suspects ont annoncé leur intention de contester leur mise en examen, estimant qu'elle ne reposait sur aucun élément nouveau.
"La mise en examen, pour être valable, nécessite l'existence d'indices graves et concordants. On vient de vous dire qu'il n'y avait ni indice, encore moins grave et rien de concordant, on nous a parlé de présomptions, ce n'est pas suffisant", a déclaré Stéphane Giuranna, l'avocat de Marcel Jacob.
"Le procureur général a inversé la charge de la preuve, c'est-à-dire que, les époux Jacob n'étant pas capables de dire où ils étaient au moment des appels, ça fait d'eux les (auteurs des) appels."
Pour Gary Lagardette, l'avocat de Jacqueline Jacob, "la question est de savoir si vous avez entendu aujourd'hui un élément nouveau qui permette de justifier cette mise en examen pour séquestration et enlèvement (...) A mon sens, non !"
Le procureur précise ne pas savoir « aujourd’hui » qui a tué Grégory mais rappelle qu’on « sait que Bernard Laroche aurait participé à l’enlèvement de Grégory ».
Les faits avaient été notamment attestés devant les gendarmes et le juge d’instruction par sa belle-sœur alors âgée de 15 ans, Muriel Bolle, avant ne se rétracte.
D’autres personnes devraient être entendues prochainement, a indiqué le procureur. « On sait que des témoins ont menti, soit par peur, soit par tropisme, soit par peur de représailles, peur des médias », a ajouté le colonel Rémy Lambert, commandant de la section de recherche de la gendarmerie de Dijon.
Après que Christine Villemin, la mère de Grégory, eut elle-même été inculpée du meurtre, l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dijon qui l’a innocentée en 1993 concluait à propos de Bernard Laroche : « Il existe contre (lui) des charges très sérieuses d’avoir enlevé Grégory Villemin ».
(Robert Pratta, avec Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)