par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Patronat et syndicats ont entamé lundi dans un climat tendu des négociations sur le renouvellement de la convention de l'assurance chômage, sur fond de polémique sur la réforme du marché du travail préparée par le gouvernement.
Cette première séance n'est guère allée au-delà d'un échange sur les positions des uns et des autres et sur le calendrier, qui prévoit à ce stade cinq autres sessions plénières, les 8 et 24 mars, les 7 et 28 avril et le 12 mai.
Comme le prévoit la loi du 17 août 2015 sur le dialogue social, les organisations représentatives des professions du spectacle entameront jeudi une négociation parallèle sur les règles spécifiques s'appliquant aux intermittents.
"On ne parle pas encore le même langage avec le patronat", a résumé la négociatrice de la CFDT, Véronique Descacq. "Quand on parle incitation à des comportements plus vertueux, nous visons les entreprises qui abusent de la précarité (...). Eux disent qu'il faut inciter les gens à retourner au travail."
Le gouvernement attend notamment de ces négociations de nouvelles règles permettant d'atteindre au moins les 800 millions d'euros d'économies sur les dépenses d'assurance chômage prévus dans la loi de finances 2016.
Avec un taux de chômage à plus de 10% de la population active, l'Unedic prévoit un déficit de 3,6 milliards d'euros en 2016, après 4,4 milliards en 2015.
Cet organisme géré par les partenaires sociaux verrait ainsi son endettement bondir à plus de 29 milliards d'euros fin 2016 et, si rien n'est fait, à 35 milliards en 2018.
CONTRATS COURTS
Les syndicats sont cependant unanimes à refuser de faire de la recherche d'économies le point de départ de ces négociations, qui doivent aboutir d'ici le 30 juin, date à laquelle l'actuelle convention arrive à échéance.
Ils rejettent ainsi toute idée de rétablir une dégressivité des allocations chômage, évoquée plusieurs fois ces dernières semaines par des membres du gouvernement.
"Nous n'entendons pas céder à la pression", a déclaré à son arrivée au siège du Medef le négociateur de la CGT, Eric Aubin.
Selon Véronique Descacq, l'équilibre financier de l'Unedic n'a d'ailleurs pas été "l'enjeu majeur" de cette réunion.
Pour l'ensemble des syndicats, une des priorités est de lutter contre le recours abusif aux contrats courts, alternant avec des périodes de chômage indemnisé, et aux ruptures de contrats de travail des seniors.
Les négociateurs de Force ouvrière et de la CGT jugent également possible de trouver des recettes complémentaires, notamment en déplafonnant les cotisations.
"Un joueur de football du Paris Saint-Germain qui gagne un million d'euros par mois cotise sur 12.300 euros. Un smicard cotise sur 100% de son salaire", souligne Stéphane Lardy, de FO.
"On demande qu'il y ait un déplafonnement de la cotisation pour que tout le monde cotise sur 100% de son salaire. Ça rapporterait 800 millions d'euros à l'assurance chômage."
Du côté patronal, où l'on rejette d'avance toute idée de revalorisation des cotisations, "la priorité des priorités pour tout le monde doit être d'aider le plus grand nombre possible de chômeurs à retrouver le plus rapidement possible un emploi", a déclaré le négociateur du Medef, Jean Cerutti.
L'UPA QUITTE LA TABLE
Il s'est dit convaincu que cela permettrait d'améliorer l'équilibre financier du système. Il plaide notamment pour une réduction du délai entre le moment où un salarié devient chômeur et celui où il peut bénéficier d'une formation, délai qui est en moyenne aujourd'hui de sept mois.
Le négociateur de la CGT, Eric Aubin, a accusé le Medef de vouloir "confisquer l'assurance chômage à son profit".
Cette négociation s'est ouverte en pleine polémique sur le projet de loi sur la réforme du Code du travail dévoilé la semaine dernière, unanimement décrié par les syndicats et critiqué par une partie de la gauche, y compris au PS.
"Il est clair que c'est un élément de contexte qui ne facilite pas la négociation", a dit Stéphane Lardy.
La CGT a convié neuf syndicats à se réunir mardi pour étudier des "initiatives communes" en riposte au projet de loi de la ministre du Travail, Myriam El Khomri.
Le Premier ministre Manuel Valls a répliqué lundi, lors d'un déplacement dans l'Est, que l'on racontait des "bêtises" sur cette réforme "du XXIe siècle".
Medef et CGPME doivent pour leur part gérer un conflit interne au patronat : la délégation de l'UPA, opposée à ces deux organisations sur la représentativité patronale, a quitté la salle dix minutes après le début de la réunion.
(Edité par Sophie Louet)