PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron a prononcé mardi soir à Paris un discours de politique générale, appelant à "une refondation du pays", sans toutefois dévoiler ses intentions en vue de la présidentielle de 2017, à laquelle il s'est contenté de faire une brève allusion.
A la Mutualité, où flottait un parfum de campagne électorale, le ministre de l'Economie a tenu le premier meeting de son mouvement "En Marche !", dont on ignore pour l'heure l'objet précis dans la perspective des échéances à venir.
A cette occasion, il n'a pas hésité à aborder des sujets très éloignés de son périmètre ministériel - la politique étrangère, l'écologie, la laïcité ou "l'identité française".
Cette démarche personnelle irrite de plus en plus au sommet de l'exécutif mais l'ex-secrétaire général adjoint de l'Elysée, introduit en politique par François Hollande, a dit sa détermination à poursuivre sur sa lancée afin de proposer d'ici la fin de l'année un "plan de transformation".
"Rien ne nous arrêtera", a-t-il déclaré, devant une salle comble, où avaient pris place quelques élus, comme le député Richard Ferrand et le maire de Lyon Gérard Collomb, ainsi que l'écrivain Alexandre Jardin, lequel a également pris la parole.
"Ce mouvement, parce que c'est le mouvement de l'espoir et que notre pays en a besoin, nous le porterons ensemble jusqu'en 2017 et jusqu'à la victoire", a lancé Emmanuel Macron, sans plus de précisions sur l'identité du vainqueur auquel il songe.
Lors de son discours, long d'1h20, il a en outre dénoncé les rigidités du "système" politique, d'après lui sources de "frustrations", et s'est déclaré prêt à "prendre des risques" personnels.
"MACRON PRÉSIDENT"
"Imaginez ou nous serons dans trois mois, dans six mois, dans un an", a encore dit l'actuel ministre de l'Economie, provoquant alors les applaudissements de la foule aux cris de "Macron président".
Il a par ailleurs brièvement "remercié" François Hollande de lui avoir confié le ministère de l'Economie, en août 2014, tout en présentant son principal chantier du moment, la réforme du Code du travail, comme un combat d'arrière-garde.
"La loi Travail, c’est une bataille importante, c’est une réforme importante, à laquelle je crois, que je défends, mais ça n’est déjà (...) plus le combat d’aujourd’hui, parce que le travail a radicalement changé", a-t-il diagnostiqué.
Après une mauvaise passe due notamment aux révélations sur son patrimoine soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), Emmanuel Macron sème de nouveau, depuis plusieurs semaines, des indices sur ses velléités pour 2017.
Le week-end dernier, il a par exemple expliqué à demi-mot qu'il convoitait les premières places.
"Je ne concours pas pour le maillot à pois ou le maillot blanc, ni pour le maillot vert. Quand on fait du vélo, c'est le maillot jaune", a-t-il déclaré au Journal du Dimanche en marge d'une étape du Tour de France.
Ce positionnement et les commentaires qu'il suscite provoquent des réactions contrastées au sein de la majorité, de la curiosité de certains parlementaires à l'agacement d'une partie de la gauche, perceptible jusqu'à Matignon.
Pressé de questions sur le cas Macron, le Premier ministre Manuel Valls a laissé échapper mardi, au Sénat, une formule révélatrice de son exaspération: "Il est temps que tout cela s'arrête."
Plutôt populaire selon les enquêtes d'opinion, le ministre de l'Economie est loin de faire l'unanimité parmi ses collègues du gouvernement.
"PRÉTENTIEUX"
"J'ai un peu du mal à comprendre sa démarche. Il est tenté d'y aller en se disant qu'il veut faire de la politique sans passer par les codes habituels, les fourches caudines d'une élection, et cela me choque", déplore en privé un ministre.
"L'idée du dépassement de la gauche et de la droite est obsolète", juge de son côté le porte-parole du gouvernement, Stéphane le Foll, faisant là référence au credo du ministre, qui souhaite faire cohabiter personnalités des deux bords opposés.
"Ces débats existent depuis des dizaines d'années. Il est prétentieux de les considérer dépassés", ajoute-t-il dans une interview publiée mardi sur le site de Paris Match.
Le ministre ne convainc pas davantage l'autre versant de la gauche: plusieurs dizaines de manifestants se sont réunis mardi soir devant la maison de la Mutualité pour exprimer leur hostilité en jetant sur certains partisans d'Emmanuel Macron des oeufs et de la farine à leur entrée dans le bâtiment.
Pour l'heure, le ministre pose des jalons avec "En Marche !", qui revendique plus de 50.000 adhérents trois mois après son lancement, et soigne son image d'homme nouveau.
Dans le tableau de bord Ifop-Fiducial pour Paris Match et Sud Radio publié mardi, il figure en sixième position avec 52% de bonnes opinions, soit une hausse de neuf points en un mois.
(Simon Carraud avec Elizabeth Pineau et Emmanuel Jarry, édité par Jean-Philippe Lefief)