PARIS (Reuters) - Plusieurs syndicats des forces de l'ordre ont jugé mardi les mesures anti-casseurs du gouvernement insuffisantes, invitant l'exécutif à durcir encore sa réponse aux violences qui émaillent depuis huit semaines les défilés des "Gilets jaunes".
Les principaux syndicats de magistrats ont en revanche critiqué des dispositions qui risquent, selon eux, de menacer des libertés fondamentales.
Deux jours après les incidents et les intrusions dans des bâtiments officiels à Paris, Rennes ou encore Perpignan, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé lundi soir une mobilisation "considérable" des forces de sécurité samedi prochain et une nouvelle loi "anti-casseurs".
Cette loi, qui pourrait être discutée à l'Assemblée nationale "dès début février", prévoit entre autres un fichier des "casseurs" à l'image à celui mis en place contre les hooligans, fera du port d'une cagoule un délit et prévoit d'engager la responsabilité civile des casseurs.
"Si le Premier ministre a eu un discours de fermeté à l’encontre des casseurs et s’il retient une partie de (nos) revendications, aucune proposition quant à une loi d’orientation sur la sécurité intérieure n’a été évoquée", déplore le syndicat Alliance dans un communiqué publié mardi sur Facebook (NASDAQ:FB).
"Même si le gouvernement 'ne laissera pas les casseurs avoir le dernier mot', rien dans les dispositions pénales ne semble pouvoir enrayer le sentiment d’impunité", estime le syndicat de police classé à droite.
Pour Jean-Marc Bailleul, secrétaire général de la SCSI (Syndicat des Cadres de la Sécurité Intérieure), "tout ce qui va renforcer la dissuasion pour les casseurs va dans le bon sens, après c'est la mise en application qui pose question."
"On le demande depuis longtemps, mais la mise en application peut paraître problématique si vous avez 200 ou 300 personnes cagoulées", a-t-il relevé sur franceinfo. "Cela va être compliqué d'interdire à des gens d'aller à une manifestation qui n'a pas été déclarée et n'a pas d'existence légale au départ."
"MARQUEURS IDENTIFIES"
"On aurait aimé que, comme en Allemagne, il puisse y avoir des marqueurs intégrés dans l'eau [lancée par les canons à eau] pour qu'on puisse identifier de façon formelle ceux qui sont les casseurs et les provocateurs", a-t-il poursuivi.
Faire du port de la cagoule un délit, mesure défendue par les syndicats de police, est contenu dans la proposition de loi déposée en juin dernier par le sénateur Les Républicains (LR) Bruno Retailleau visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs.
Cette proposition de loi, qui prévoit également d'engager la "responsabilité civile collective des personnes coupables d'actes délictueux" et la constitution "dans le respect des libertés publiques d'un fichier de personnes interdites de manifestations", a été adoptée au Sénat le 23 octobre.
Pour l'Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature (SM), les mesures proposées par Edouard Philippe portent en germe une atteinte au droit de manifester sous couvert de lutter contre les "casseurs".
"On veut interdire de manière préventive à des personnes de manifester sur des critères tellement flous que cela porte atteinte aux libertés fondamentales", a ainsi déclaré à Reuters la présidente du SM, Katia Dubreuil.
Pour Céline Parisot, présidente de l'USM, "on ne peut pas avoir des mesures de police administrative qui remettent en cause des libertés fondamentales comme la liberté de manifester son opinion et la liberté d'aller et venir".
"Pour nous ce n'est constitutionnellement pas possible", a-t-elle déclaré à Reuters.
Depuis le 17 novembre et le début des manifestations des "Gilets jaunes", un mouvement hétéroclite qui réclame entre autres plus de pouvoir d'achat et de démocratie participative, 5.600 personnes ont été placées en garde à vue et quelque 1.000 condamnations prononcées.
Les violences ont entraîné des appels à la démission d'Emmanuel Macron et à la convocation d'élections anticipées, notamment dans les rangs de La France insoumise et du Rassemblement national.
Après avoir annoncé le 10 décembre des mesures en faveur du pouvoir d'achat chiffrées à plus de 10 milliards d'euros, Emmanuel Macron a durci le ton lors de ses voeux aux Français le 31 décembre, s'en prenant aux "porte-voix d'une foule haineuse".
Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a renchéri la semaine dernière en estimant que le mouvement était désormais le fait "d'agitateurs" souhaitant avant tout "l'insurrection" et "renverser" le gouvernement.
(Marine Pennetier, avec Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)