par Alexandre Boksenbaum-Granier
PARIS (Reuters) - L'aversion au risque revient par la grande porte sur les marchés financiers européens, après une parenthèse de quelques semaines et l'accalmie sur le front grec, la dévaluation surprise du yuan laissant craindre un ralentissement économique plus fort qu'estimé en Chine.
La banque centrale chinoise, au lendemain d'une dévaluation de près de 2%, a de nouveau laissé filer le yuan mercredi, les autorités fixant le point médian de la bande de fluctuation de la devise sous le cours de clôture de la veille.
Sur le marché spot, le yuan est tombé à son plus bas niveau depuis août 2011 et a porté jusqu'à près de 4% sa baisse en deux jours.
"C'était censé être une décision exceptionnelle. On ne le croyait pas trop, mais il n'a pas fallu attendre très longtemps pour voir que cela n'était pas un 'one off'", observe Yves Maillot, directeur gestion actions européennes chez Natixis Asset Management.
"Avant cette décision, on estimait que le yuan était surévalué d'à peu près 10%. La baisse de la devise chinoise est donc assez logique même si l'effet de surprise est désagréable."
La décision de la Chine a ravivé les inquiétudes sur la santé de son économie et les craintes d'une guerre des changes, même si Pékin s'est employé à rassurer les marchés financiers en réfutant l'idée d'une dévaluation prolongée.
"PERTE DE CONTRÔLE"
"Il semblerait que le ralentissement soit plus fort que prévu et on craint que la réaction des autorités chinoises n'indique des signes de perte de contrôle. On se dit que si les autorités chinoises ont réagi de cette manière, cela signifie que l'économie va vraiment mal", indique Maxime Alimi, économiste chez Axa IM.
"La question que l'on se pose c'est 'est-ce que les autorités chinoises vont parvenir à endiguer le ralentissement'?", ajoute-t-il.
Conséquence de ces interrogations sur les marchés, les actifs les plus risqués comme les actions, et plus particulièrement celles des entreprises exposées à la Chine, sont délaissées au profit d'actifs plus défensifs.
Après avoir déjà reculé de 1,55% mardi, l'indice Stoxx 600, qui regroupe les principales valeurs européennes, baisse de 1,85% ce mercredi à 12h47 quand le CAC 40 perd 2,1%. La Bourse de Francfort perd 2,08%, celle de Milan 1,9% et Londres 1,08%.
Le rendement à 10 ans de l'emprunt d'Etat allemand retombe à 0,63%, après avoir atteint 0,76% la semaine dernière, pendant que le taux américain à 10 ans est à 2,12%, contre 2,29% une semaine plus tôt.
Sur le marché des changes, l'euro remonte à 1,1144 dollar.
UNE KYRIELLE DE SOCIÉTÉS EXPOSÉES À LA CHINE
"La baisse du yuan (...) n'est probablement pas encore terminée", estime François Duhen, stratégiste chez CM-CIC Securities.
"Elle a eu, et aura encore si la baisse se poursuit, des conséquences en termes de: 1/ compétitivité relative entre les pays, 2/ de prix des matières premières (biais baissier), 3/ de niveaux des taux d'inflation et donc de politiques monétaires, aussi bien dans les pays développés qu'émergents (dont les normalisations pourraient être retardées), et de taux souverains (plus longtemps sous pression), 4/ de valorisation des marchés actions, en particulier pour les pays réalisant des profits élevés dans ces pays."
Les Chinois sont les principaux clients sur le marché mondial du luxe et la Chine est le premier marché automobile. C'est également l'un des plus gros consommateurs de métaux.
Selon la liste des entreprises européennes les plus exposées à la Chine en termes de ventes établie par Credit Suisse, le luxe est très fortement dépendant de la Chine avec Swatch Group (46% des ventes), Richemont (33%), Prada (31%), Hermès (28%), LVMH (27%) ou encore Kering (PARIS:PRTP) (26%).
L'automobile est également très présent dans ce classement avec Volkswagen (XETRA:VOWG) (39%), Peugeot (25%), BMW (XETRA:BMWG) (22%), Daimler (XETRA:DAIGn) (17%) et Valeo (PARIS:VLOF) (13%).
Du côté des valeurs technologiques, l'exposition des ventes de STMicroelectronics à la Chine s'élève à 22%, elle est de 20% pour Infineon Technologies et Gemalto (AMS:GTO), et de 13% pour Alcatel-Lucent (PARIS:ALUA), indique Credit Suisse.
En Bourse, le secteur européen des ressources de base perd ce mercredi 1,99%, l'automobile 2,67% et les biens personnels et domestiques 3,06%, plus forte baisse sectorielle en Europe.
Pour autant, la correction du marché devrait être passagère, estime Yves Maillot, soulignant les mesures de soutien de la Banque centrale européenne, la dynamique des résultats des entreprises et les opportunités offertes par le recul du marché.
Et puis, "les dernières statistiques semblent montrer une stabilisation du ralentissement depuis le mois de juin en Chine. C'est donc surtout la Fed qui va animer le marché sur les trois, quatre prochains mois", estime Maxime Alimi.
L'économie américaine devrait d'ailleurs sans doute rester la priorité de la Réserve fédérale américaine, qui pourrait relever les taux pour la première fois depuis près de 10 ans en septembre.
(Edité par Dominique Rodriguez)