par Sophie Louet et Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - François Hollande a mis en demeure jeudi Emmanuel Macron de respecter les règles de "solidarité" du gouvernement au risque d'en être évincé, mais il n'a pas désavoué l'émancipation politique de son ministre de l'Economie.
Le Premier ministre, Manuel Valls, s'en est pris violemment mercredi à l'initiateur d'"En Marche!", au lendemain d'un premier meeting à Paris en vue de 2017, en l'accusant de "céder aux sirènes du populisme".
Le ministre n'a toujours rien révélé de ses intentions pour l'élection présidentielle et cette ambiguïté irrite au plus haut point dans les rangs du gouvernement et de la gauche, où des voix ont appelé à sa démission.
François Hollande, qui avait déjà mis en garde son ancien conseiller par le passé, n'est pas allé jusqu'à la rupture, préférant renouveler l'avertissement en termes diplomatiques.
Emmanuel Macron, a-t-il dit sur TF1 (PA:TFFP) et France 2, "a mené des réformes, il en mène encore, il a des idées, il veut rencontrer les citoyens, et là dessus, c'est utile. Il faut toujours aller à la rencontre des autres, toujours proposer des idées nouvelles."
Mais, a ajouté le président, "il y a des règles dans un gouvernement. La première règle, c'est la solidarité, c'est l'esprit d'équipe, c'est de défendre le bilan, c'est d'être à plein temps dans sa tâche et donc c'est une règle qu'il doit respecter."
"Et puis il y en a une deuxième : dans un gouvernement, il n'a pas de démarche personnelle, encore moins présidentielle, il y a tout simplement servir et servir jusqu'au bout."
"Respecter ces règles, c'est rester au gouvernement, ne pas les respecter, c'est ne pas y rester", a souligné le chef de l'Etat.
"Chacun maintenant est informé", a-t-il prévenu. "Si elle (la règle) n'est pas respectée, il y aura les conséquences que je viens d'indiquer".
François Hollande a salué au passage l'"autorité", le "courage" et "le sens de l'intérêt général" du Premier ministre. "Il le fait aussi avec sa personnalité, mais heureusement", a-t-il ajouté.
"SCÈNE DE MÉNAGE"
Manuel Valls et Emmanuel Macron se sont embrassés jeudi sur la place de la Concorde, en marge du défilé du 14-Juillet auquel ils ont assisté avec les autres membres du gouvernement sans laisser percer la moindre animosité.
"Le 14 juillet, c'est le jour de la fête nationale, ce n'est pas le jour des petites phrases, des commentaires", a dit Emmanuel Macron sur TF1 alors qu'on l'interrogeait sur la crise en cours.
Avant François Hollande, Jean-Yves Le Drian, un proche du chef de l'Etat, s'était chargé de rappeler à l'ordre Emmanuel Macron en termes moins choisis.
"Le meilleur joueur (...), s'il joue tout seul, il ne marque pas", a dit le ministre de la Défense sur RTL. "Donc je souhaite qu'Emmanuel Macron soit bien dans le collectif."
"Il y a une chaîne de commandement, dans ce pays il y a un président de la République et un Premier ministre, il n'y a pas de ménage à trois", a-t-il ajouté.
L'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault, aujourd'hui à la tête de la diplomatie française, avait pour sa part écarté l'hypothèse d'une éviction du ministre.
"Vous pensez qu'on a besoin d'une crise politique? Vous croyez que le pays attend ça aujourd'hui?" a-t-il lancé sur Europe 1.
La droite et le Front national ont reproché à François Hollande impuissance et ambiguïté.
Eric Woerth, secrétaire général des Républicains, a fustigé en François Hollande et Emmanuel Macron "la rencontre de deux faiblesses", un ministre tenté par la présidentielle et un président qui n'ose pas s'en séparer. "C'est un vrai problème", a-t-il commenté sur BFM TV, estimant que le président n'avait pas "été clair du tout".
"Il a décerné un énième carton jaune à Emmanuel Macron sans oser l’expulsion. Où est l’autorité ? Où est la responsabilité ?", écrit pour sa part François Fillon dans un communiqué.
Pour Florian Philippot, vice-président du FN qui s'exprimait sur BFM TV, François Hollande est le simple "spectateur de la scène de ménage entre Manuel Valls et Emmanuel Macron."