PARIS (Reuters) - François Hollande a assuré vendredi faire "ce qu'il faut" pour garder le Royaume-Uni dans l'Union européenne, mais pas à n'importe quelles conditions, et il a lancé une mise en garde contre le risque d'une dislocation de l'Europe.
Lors d'une pause dans les négociations laborieuses avec les Britanniques à Bruxelles, il a estimé sur France Inter que ce risque était aussi nourri par la crise des réfugiés du Proche-Orient.
"Imaginons que les Britanniques quittent l'Union européenne au mois de juin, après un référendum : d'autres pays se diront 'pourquoi pas, puisque eux l'ont fait, faisons-le'", a-t-il dit.
Il a émis l'espoir qu'un compromis sera trouvé et estimé qu'il était dans l'intérêt des Britanniques de rester dans l'UE. "Je fais ce qu'il faut pour garder le Royaume-Uni dans l'Europe", a-t-il dit. "Mais pas à n'importe quelles conditions (...) Il ne faut pas céder à quelque chantage que ce soit."
Il a confirmé que les négociations bloquaient sur deux sujets : les prestations sociales versées aux ressortissants européens expatriés au Royaume-Uni et le statut de la City de Londres, le centre financier le plus important d'Europe.
"La Grande-Bretagne voudrait avoir un statut un peu particulier", a-t-il expliqué. "Je ne peux pas l'accepter parce que ça voudrait dire que les banques françaises ou les banques d'autres nationalités européennes n'auraient pas forcément les mêmes contraintes ou les mêmes facilités."
Il a estimé que les règles et organes de supervision bancaire devaient être les mêmes de part et d'autre de la Manche : "Il peut y avoir une prise en compte de ce qu'est la City pour l'Europe (...) mais il ne peut pas y avoir de règles particulières pour la City."
Pour la France, il n'est pas question non plus que la Grande-Bretagne, qui ne fait pas partie de la zone euro, ait un droit de veto sur son fonctionnement, a ajouté le chef de l'Etat français, selon qui "c'est acquis".
Le point sur lequel les négociations butent le plus est la volonté des Britanniques que les Européens travaillant au Royaume-Uni n'aient pas les mêmes prestations sociales.
"Là, il faut que nous puissions dire qu'il y a des conditions", a poursuivi François Hollande. "Il y a beaucoup de pays qui n'acceptent pas qu'il y ait ce traitement différencié."
RENFORCER LES FRONTIÈRES DE L'UE
Il a souhaité que chacun, notamment le Premier ministre britannique, David Cameron, s'abstienne de gesticulation ou de dramatisation et ait la victoire modeste : "Je veux permettre à David Cameron de pouvoir sortir du Conseil en disant que les intérêts de la Grande-Bretagne ont été pris en compte mais qu'ils n'ont pas été pris en compte au détriment de l'Europe."
Il a dit comprendre que le Royaume-Uni ne veuille pas avancer aussi vite que d'autre pays de l'UE mais ne pas vouloir qu'il soit un frein à la construction européenne.
"Je vais prendre des initiatives, que la Grande-Bretagne reste ou ne reste pas dans l'Europe, pour que la zone euro puisse être encore plus forte et plus dynamique", a-t-il dit.
Le président français a par ailleurs estimé qu'il fallait tarir l'afflux dans l'UE de réfugiés en provenance du Proche-Orient pour ne pas risquer, là encore, une dislocation de l'UE.
"Il faut absolument que nous maintenions ces populations en Turquie, en Jordanie et au Liban" et faire en sorte que les frontières extérieures de l'espace Schengen, a-t-il dit. Sinon ce serait "la fin de Schengen".
"On n'y est pas encore mais si on en arrivait là, c'est la fin de l'Europe au sens de l'Europe de la libre circulation entre Européens", a souligné François Hollande.
Le risque serait alors de voir des pays de l'UE rétablir leurs frontières au détriment des échanges économiques, puis être tentés de rétablir leur monnaie d'avant l'euro.
"Bien sûr qu'il est là ce risque, le risque d'une dislocation, d'une dislocation qui sera molle, qui ne sera pas franche", a insisté François Hollande.
Il a estimé que l'Allemagne, qui a déjà accueilli près d'un million de réfugiés, ne pourrait pas en accueillir encore des dizaines de milliers d'autres.
"Nous devons tout faire avec l'Allemagne, avec l'Europe, pour qu'il y ait un mécanisme de protection des frontières extérieures, de soutien aux réfugiés là où ils sont aujourd'hui installés", a poursuivi François Hollande.
Pour le chef de l'Etat, "il ne peut pas y avoir de mécanisme de répartition des réfugiés (en Europe) tant qu'on n'a pas la sécurité des frontières extérieures et un tarissement des flux de réfugiés" et c'est à cette condition que la France recevra, comme elle s'y est engagée, 30.000 réfugiés.
(Emmanuel Jarry, édité par Sophie Louet)