par Jean-François Rosnoblet
MARSEILLE (Reuters) - L'"Aquarius", un ancien navire garde-côte allemand de 77 mètres, mettra le cap samedi sur Lampedusa, en Italie, pour mener une campagne de sauvetage et d'aide aux migrants qui tentent de rejoindre les rives européennes.
La Méditerranée, l'une des routes les plus dangereuses pour les candidats à l'exil, a été empruntée par plus d'un million de migrants l'an dernier, dont 3.772 ont péri selon l'association SOS Méditerranée, qui porte l'opération en partenariat avec Médecins du Monde.
L'"Aquarius" a fait escale à Marseille avant de rallier Palerme, puis Lampedusa d'où il assurera à partir du 25 février une mission de trois mois en haute mer, en trois rotations de trois semaines.
"L’Aquarius sera positionné entre la Sicile et la Libye, dans les eaux internationales. On sera là où il n'y a pas grand monde, au plus près des zones de détresse, là où se produisent la plupart des naufrages", a expliqué à la presse l'une des responsables de SOS Méditerranée, Fabienne Lassalle.
Les opérations de sauvetage se feront en lien avec le Maritime Rescue Coordination Center (MRCC) basé à Rome, qui pourra répercuter au navire des appels de détresse.
"Ils sont contents qu'une association participe au sauvetage car ils ont la sensation que l'Italie est bien seule pour faire face à cette situation dramatique, qu'elle a été en partie abandonnée par l'Europe", souligne le commandant du navire, Klaus Vogel.
Au total, une vingtaine de personnes prendront place à bord, équipage expert du sauvetage en mer et équipe médicale et d'accueil de Médecins du Monde.
Doté de quatre ponts et d’une "clinique", le navire peut accueillir 250 naufragés, une capacité qui peut être doublée en cas de besoin.
Le poste médical permet de répondre aux premiers soins, mais aussi de procéder à des accouchements et réaliser de la petite chirurgie. Les cas les plus graves feront l'objet d'une évacuation sanitaire.
"PAS SAUVER TOUT LE MONDE"
Les migrants recueillis resteront en moyenne deux à trois jours sur le bateau avant d'être soit transbordés sur un autre navire, soit dirigés vers l'un des ports italiens de référence.
"Notre mandat, c'est le sauvetage. On est là pour sauver des vies en mer car il s'agit d'une urgence humanitaire", a déclaré la présidente de Médecins du Monde, Françoise Sivignon.
"Mais on ne peut pas tout faire, les autorités européennes doivent s'impliquer davantage car on ne pourra pas sauver tout le monde. Des personnes vont continuer à mourir en mer", prévient-elle.
La situation est d'autant plus préoccupante que la mission de l'Aquarius est limitée dans le temps. Faute d'argent, le navire demeurera à quai dans trois mois.
Un million d'euros - "crowfunding", dons et mécénat représentent 98% du financement de l'opération - a été récolté auprès de donateurs de 42 pays, majoritairement en France et en Allemagne, pour assurer le coût de cette première sortie.
"L'objectif est de pérenniser l'opération et de s'engager auprès de notre armateur pour les six mois suivants. Pour cela, il faut 2,8 millions d'euros", explique Sophie Beau, vice-présidente de SOS Méditerranée.
Une plateforme participative (dons.sosmediterranée.org) a permis de récolter 77.000 euros en une semaine, soit l'équivalent de sept jours de sauvetage en mer.
"L'enjeu est capital. La période entre le printemps et l'été est la plus meurtrière car c'est celle où il y a le plus de tentatives de traversées", rappelle Sophie Beau.
Entre le 1er janvier et le 19 février, plus de 90.000 migrants ont rejoint l'Italie ou la Grèce par la mer, plus de 411 sont morts ou portés disparus selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
(Edité par Sophie Louet)