PARIS (Reuters) - Martine Aubry a de nouveau porté le fer vendredi contre la réforme territoriale, dénonçant une "aberration économique et sociale" dans la fusion entre Nord-Pas-de-Calais et Picardie.
La maire PS de Lille et d'autres élus d'Alsace ou encore de Normandie, majorité et opposition confondues, désapprouvent le redécoupage en 13 régions métropolitaines, contre 22 aujourd'hui, prévu dans l'article clé de la réforme territoriale voté par les députés vendredi matin.
La carte ainsi remodelée rattache le Poitou-Charentes à l'entité Limousin-Aquitaine, la Picardie au Nord-Pas-de-Calais et la Champagne-Ardenne à l'Alsace et à la Lorraine.
"Nous sommes pour une grande, voire une très grande région, mais nous voulons avoir le temps de regarder les choses", a déclaré Martine Aubry lors d'une conférence de presse à Paris.
"Nous voulons avoir le temps de porter une grande réforme qui ait un sens". Un tel projet se construit "avec cohérence et vision, pas par petits bouts", a-t-elle insisté, entourée de huit autres élus de la région Nord-Pas-de-Calais.
"Nous sommes en colère sur la forme. Sur le fond, nous voulons aller plus loin", a ajouté l'ancienne Première secrétaire du Parti socialiste, sortant de la réserve qu'elle observait depuis l'arrivée de Francois Hollande au pouvoir en 2012.
"Deux régions pauvres n'ont jamais fait une région riche", a-t-elle argumenté à propos de la fusion prévue entre Nord-Pas-de-Calais et Picardie. "Ce n'est pas parce qu'on est plus grands qu'on est plus forts".
L'ancienne ministre a aussi regretté la méthode employée, dénonçant le fait accompli de la présentation aux députés, mardi dernier, d'une carte de 13 régions différente de celle présentée début juin par l'Elysée, qui en comptait 14.
"Personne ne nous a dit qu'on allait regrouper immédiatement alors qu'on travaillait sur d'autres hypothèses", a déploré l'élue, qui a évoqué la possibilité de créer à terme une "très grande région" comprenant le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie et les deux Normandie.
MONOPOLY
L'Assemblée doit se prononcer le 23 juillet par un vote solennel sur l'ensemble du projet de loi.
Martine Aubry a dit compter sur le Sénat pour amender le texte, estimant que les régions avaient besoin de deux ans de réflexion, jusqu'en 2016, pour établir une carte définitive.
"On n'est pas en train de faire du Monopoly ou du Sim's City. On touche aux origines de chacun", a-t-elle plaidé.
Le maire UMP de Tourcoing, Gérald Darmanin, a désapprouvé la démarche de Martine Aubry, qui se sert selon lui de l'avenir des régions "pour régler ses comptes au PS". Il juge pour sa part "évident" une fusion entre Nord-Pas-de-Calais et Picardie.
D'autres élus se sont, comme la maire de Lille, élevés contre la nouvelle carte.
Après la droite alsacienne mardi, les socialistes Jean-Pierre Masseret, président du conseil régional de Lorraine, et Roland Ries, sénateur-maire de Strasbourg, ont écrit au Premier ministre, Manuel Valls, pour dénoncer le projet de fusion surprise de leurs régions avec Champagne-Ardenne.
Jean-Pierre Masseret juge "inacceptable que l'Alsace et la Lorraine soient la variable d'ajustement d'une carte, certes difficile à construire".
Le maire de Strasbourg rappelle de son côté le "large consensus" qui s'était exprimé dans les deux régions en faveur d'une fusion de l'Alsace et de la Lorraine, "qui correspond à une réalité historique, géographique et économique".
"Le revirement gouvernemental, sans la moindre concertation avec les intéressés, nous a complètement interloqués", dit Roland Ries.
Dans une lettre au Premier ministre citée par Le Figaro.fr, sept parlementaires bas-normands de droite estiment pour leur part que Caen serait "grandement en danger" si elle perdait sa fonction de capitale au profit de Rouen lors de la fusion de la Haute et de la Basse-Normandie.
(Elizabeth Pineau, avec Gilbert Reilhac à Strasbourg et Emile Picy, édité par Sophie Louet)