par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - La pression pour l'organisation d'une primaire à gauche, à laquelle une participation de François Hollande n'est plus exclue, s'intensifie à quatorze mois d'une élection présidentielle que la majorité aborde plus divisée que jamais.
Plébiscitée par les sympathisants de gauche - 79% sont pour, selon un sondage Viavoice paru le 10 février dans Libération -, elle est désormais envisagée pour "décembre ou janvier" par le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis.
"Les sympathisants jugent une candidature commune indispensable pour assurer la présence de la gauche au second tour", explique le politologue François Miquet-Marty, de Viavoice. "Ils veulent un candidat unique mais ce candidat unique n'existe pas : la gauche est orpheline d'un candidat."
Les sympathisants ne sont en effet que 42% à juger "souhaitable" une victoire en 2017 de François Hollande, qualifié par ses partisans, le Premier ministre Manuel Valls compris, comme le "candidat naturel" de la gauche.
Dans ce contexte de défiance, le président affirme choisir l'action, jetant dans la future loi sur le travail, extrêmement controversée à gauche, ses dernières cartouches contre le chômage, principal échec de son quinquennat finissant.
"C'est le seul sujet", a martelé vendredi sur France Inter le chef de l'Etat, qui a fait de la baisse du nombre de chômeurs une condition de son retour dans la course à l'Elysée.
"Je ne me déroberai pas. Je n'ai de ce point de vue-là qu'une seule parole", a-t-il répété. "Je peux ne pas être candidat, je peux être candidat, je ne me déterminerai qu'au moment où je penserai que ça sera le temps d'y parvenir. Avant, je préfère être pleinement dans ma mission."
HOLLANDE FACE AUX "BLOCAGES"
Si baisse du nombre de chômeurs il y a, elle devra être de l'ordre de 500.000 unités, estime un proche, jugeant possible un renoncement présidentiel, "la mort dans l'âme", pour 2017.
"Je le trouve très prudent", dit ce conseiller. "Pendant son quinquennat, il aura beaucoup déverrouillé et constaté les blocages."
Avec des mesures comme le pacte de responsabilité et ses 40 milliards d'euros de baisses de charges pour les entreprises, ainsi que la future réforme du marché du travail, François Hollande joue son va-tout.
Un peu à la manière de l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, un autre social-démocrate qui a permis à l'économie allemande malade du début des années 2000 de se réformer, au prix d'un échec électoral qui a mis Angela Merkel au pouvoir.
"François Hollande veut laisser dans l'Histoire la trace d'un homme de gauche qui a fait bouger la France, qui a abaissé le coût du travail et réformé le marché du travail comme personne avant lui", dit une députée PS. "Quitte à perdre l'élection présidentielle, voire ne pas être candidat."
Le remaniement du 11 février n'a pas enrayé la chute de popularité de François Hollande et Manuel Valls, qui perdent respectivement trois et six points, revenant à leurs plus bas, selon un sondage BVA pour Orange et iTELE publié dimanche.
La défiance envers l'exécutif favorise l'idée d'une primaire à gauche mêlant écologistes, communistes et socialistes, comme Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon, et à laquelle Jean-Christophe Cambadélis envisage une participation du chef de l'Etat.
"Le président de la République, s'il était candidat, n'aurait pas obligation de participer à tous les débats", a-t-il déclaré au Journal du Dimanche. "Il n'a pas de problème de notoriété !"
MÉLENCHON COMPARE VALLS À IZNOGOUD
S'il brigue un deuxième mandat, "des primaires n'ont pas beaucoup de sens", a toutefois estimé sur RTL la ministre de la Santé, Marisol Touraine, émettant des doutes sur l'opportunité pour le président de faire campagne lors d'une primaire.
Pour l'heure, l'organisation d'une primaire "de toute la gauche" se heurte au refus catégorique de Jean-Luc Mélenchon, qui a entamé une campagne solitaire, d'y participer.
Lundi dans Libération, le communiste Pierre Laurent invite le co-fondateur du Parti de gauche à "revenir dans un processus collectif", jugeant qu'"on ne peut pas aller à la présidentielle comme on irait à l'abattoir", allusion au risque d'une élimination de la gauche au profit du Front national.
En persistant dans son idée, "Mélenchon prend le risque d'être le diviseur", juge François Miquet-Marty.
Sur France Info lundi, Jean-Luc Mélenchon décoche des flèches à Manuel Valls, accusé de pousser le texte sur le marché du travail qui risque d'être adopté en force, via l'article 49.3, faute de majorité à l'Assemblée nationale.
"C'est le Vizir Iznogoud qui a monté un nouveau coup, clairement le Premier ministre, c'est lui qui a décidé tout ça, c'est lui qui décide du 49.3, qui est une mesure de violence", a-t-il dit, en référence au personnage de bande dessinée qui voulait être "calife à la place du calife".
Si les proches de Manuel Valls jurent que le Premier ministre reste loyal à François Hollande, des élus de gauche ont une vision plus crue des relations entre les deux hommes.
"François Hollande ne laisse aucune chance à Manuel Valls de vivre décemment après lui. Il ne lui passe pas le flambeau", dit un député socialiste. "S'il ne va pas à la présidentielle, il regardera les forces en présence. Et que le meilleur gagne."
(Edité par Yves Clarisse)