par William James et Padraic Halpin
DUBLIN (Reuters) - Le risque d'un blocage politique durable en Irlande s'est accru dimanche faute de majorité claire à l'issue des élections législatives, des responsables des deux partis les plus aptes à former une coalition ayant écarté l'hypothèse d'une alliance.
La reprise du décompte des voix, interrompu samedi soir, n'a fait que confirmer les lourdes pertes subies par le Fine Gael, le parti du Premier ministre sortant, Enda Kenny.
Le Fianna Fail affiche au contraire un score supérieur aux prévisions et pourrait plus que doubler sa présence au Parlement, ce qui fait d'une coalition entre ces deux partis de centre-droit la solution la plus évidente, même si elle serait sans précédent.
Mais la rivalité qui oppose les deux formations depuis la guerre civile de 1922-1923 semble laisser peu d'espoir de les voir conclure un accord, ce qui menace le pays d'un blocage politique comparable à celui que connaît l'Espagne depuis la fin décembre, ce qui pourrait conduire à un nouveau scrutin dans quelques mois.
"Je ne suis pas favorable à un gouvernement avec le Fine Gael", a déclaré Dara Calleary, porte-parole du Fianna Fail, samedi soir sur la chaîne de télévision publique RTE.
"Tout programme de gouvernement devrait être soumis à nos militants et je peux vous assurer que les membres du Fianna Fail ici (dans ma circonscription) sans très clairement contre toute coalition."
Un autre responsable du Fianna Fail a dit craindre qu'un accord de coalition avec le Fine Gael ne profite au Sinn Fein, l'ex-branche politique de l'IRA et principal parti de gauche du pays, qui devrait pourtant disposer d'un nombre de députés bien inférieur à ses attentes.
UN NOUVEAU SCRUTIN POSSIBLE
Les dirigeants des deux partis ont insisté sur la nécessité d'attendre la fin du dépouillement, lundi, avant d'envisager les différentes options évoqués. Dans les deux camps, nombreux sont ceux qui estiment peu probable une solution avant la reprise de la session parlementaire, le 10 mars.
Le Fine Gael est crédité de 25,5% des voix et devrait rester le premier parti du pays, mais avec moins de députés qu'attendu.
Le ministre de la Santé, Leo Varadkar, considéré comme le plus sérieux candidat à la succession d'Enda Kenny, s'est dit défavorable à la formation d'une grande coalition et celui des Finances, Michael Noonan, a évoqué la possibilité de nouvelles élections "très prochainement".
Les observateurs jugent l'économie irlandaise capable de résister à une période d'incertitude politique, après une année 2015 marquée par une croissance de 7%, la plus forte de tous les pays membres de l'Union européenne.
Mais l'issue des législatives pourraient se traduire dans les prochains par une remontée des rendements des emprunts d'Etat irlandais.
"Plus cela durera, plus les investisseurs deviendront nerveux. Si on se retrouve face au double défi de l'instabilité politique et de la menace du Brexit (l'éventuelle sortie de la Grande-Bretagne de l'UE), le marché obligataire irlandaise sera en grande difficulté", estime Ryan McGrath, trader obligataire chez Cantor Fitzgerald.
(Marc Angrand pour le service français)