PARIS (Reuters) - Google (NASDAQ:GOOGL) et Facebook (NASDAQ:FB) sont dans la ligne de mire de l'Autorité de la concurrence, qui a annoncé mardi étudier l'opportunité d'ouvrir un contentieux dans la publicité en ligne à l'issue d'une enquête sur le secteur ayant révélé des pratiques problématiques.
De sa propre initiative, le gendarme de la concurrence a conduit pendant près de deux ans une vaste étude pour laquelle il a interrogé une cinquantaine d'annonceurs, une soixantaine de fournisseurs de services et une quinzaine d'éditeurs.
Internet est devenu en 2016 dans l'Hexagone le premier support de publicité pour les annonceurs, devant la télévision, grâce à un taux de croissance élevé. En 2017, la publicité digitale a encore bondi de 12% pour devenir un marché de 4,1 milliards d'euros, selon des chiffres de la profession.
Pourtant les critiques enflent sur le déséquilibre du partage de la valeur alors que les éditeurs, notamment les sites de médias, ne toucheraient que 40% des dépenses des annonceurs selon des estimations.
L'opacité des opérations, dans lesquelles se mêlent parfois une myriade d'acteurs intermédiaires, est également pointée du doigt, notamment depuis une enquête accablante de l'Association des annonceurs américains qui a conduit plusieurs grands annonceurs à revoir leur stratégie de communication.
"Nous avons vu beaucoup d'acteurs se plaindre de comportements sur le marché", a expliqué la présidente de l'Autorité Isabelle de Silva lors d'une conférence de presse.
Parmi les plaintes reçues par l'Autorité figurent notamment des accusations de couplage, d'exclusivité, d'effet de levier, de discriminations, de freins à l'opérabilité, de restrictions en matière d'accès et d'exploitation des données.
L'étude menée par l'Autorité n'était pas de nature contentieuse mais les éléments recueillis pourront éventuellement l'amener à déclencher une enquête, a-t-elle précisé, indiquant qu'une décision serait prise dans un délai de quelques mois.
POSITIONS ÉCRASANTES
Alors qu'il faut en moyenne deux ans à l'Autorité pour aboutir à une décision, Isabelle de Silva a souligné la nécessité d'aller vite dans un secteur en rapide mutation.
Une enquête similaire menée en 2010 avait ainsi montré la domination de deux acteurs, déjà Google mais aussi PagesJaunes (devenu SoLocal) qui a, depuis, enchaîné les restructurations après avoir frôlé la faillite.
"Si on prend la photographie en 2018 du marché, ce qui ressort très fortement c'est les positions écrasantes de Google et Facebook", a souligné la présidente.
Bien qu'il soit difficile d'établir les parts de marché des deux acteurs en France au vu des écarts entre les estimations qui circulent, les statistiques mondiales compilées par l'agence d'achats d'espaces ZenithOptimedia, filiale de Publicis (PA:PUBP), montrent qu'ils ont capté à eux deux 76% des dépenses sur internet, hors Chine.
La présidente de l'Autorité s'est toutefois gardée d'identifier les acteurs qui pourraient potentiellement être visés par les enquêtes.
Bien que cités à de nombreuses reprises pendant la conférence de presse, les deux géants américains n'ont pas été les seuls visés par les critiques recueillies lors de l'étude, a précisé l'Autorité.
"De la même manière que Facebook n'est qu'une des multiples façons dont les gens se connectent et partagent en ligne, Facebook n'est qu'un des multiples moyens pour les annonceurs d'atteindre leurs audiences", a souligné Delphine Reyre, directrice des affaires publiques de Facebook pour l'Europe dans un message transmis à Reuters.
Google n'a pas fait de commentaire dans l'immédiat.
(Gwénaëlle Barzic et Mathieu Rosemain, édité par Dominique Rodriguez)