PARIS (Reuters) - Les organisations agricoles risquent de ne plus pouvoir contenir la colère des éleveurs si des réponses ne sont pas apportées rapidement à la crise, a prévenu mardi le président de la FNSEA après une rencontre avec François Hollande.
Xavier Beulin a ajouté que le chef de l'Etat avait promis de s'exprimer sur les crises agricoles avant le Salon de l'agriculture qui s'ouvrira le 27 février et d'évoquer le dossier avec la chancelière allemande, Angela Merkel, lors de sa rencontre dimanche à Strasbourg.
"Depuis novembre, l'exploitation porcine moyenne française perd 6.000 euros par semaine", a-t-il dit aux journalistes. "S'il n'y a pas un signal fort de l'Europe aujourd'hui, on aura beaucoup de difficulté à tempérer les ardeurs."
Confrontés à une chute des prix, en partie provoquée par un embargo russe sur le porc européen, à un niveau qui ne leur permet selon eux plus de couvrir leurs charges fixes, les éleveurs manifestent depuis plusieurs jours, en particulier en Bretagne, en compagnie notamment des producteurs de lait.
"Ne me demandez pas aujourd'hui de dire à des gens qui perdent chaque semaine 6.000 euros de rentrer chez eux", a ajouté Xavier Beulin.
Après une trêve de quelques jours dans l'Ouest, les agriculteurs ont repris leur mouvement de contestation, prenant pour cibles des bâtiments publics et la grande distribution.
A Chartres (Eure-et-Loire), une soixantaine de tracteurs ont encerclé mardi les bâtiments de la Cité administrative où se trouve la préfecture. A Saint-Lô (Manche), des dizaines de tracteurs étaient stationnés près de la préfecture et à Quimper (Finistère), des tracteurs ont bloqué les accès de l'hypermarché Carrefour (PA:CARR) en déversant des détritus et des gravats.
Plusieurs actions de blocage ont par ailleurs eu lieu dans la région d'Arles (Bouches-du-Rhône).
COLÈRE ET DÉSESPOIR
Sur le terrain, "les réunions sont extrêmement rudes parce qu'on a en face de nous des gens qui sont en colère ou à l'inverse désespérés", a dit Xavier Beulin. "A un moment, si l'on n'est pas sur des mesures fortes de prise en compte de la difficulté et de réponse appropriée, on n'est plus audible du tout, les gens deviennent autistes."
Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, qui a participé à la rencontre à l'Elysée, avec également les Jeunes agriculteurs, a annoncé dimanche qu'il préparait un nouveau plan de sauvetage de la filière porcine bretonne.
Il avait en outre annoncé fin janvier 290 millions d'euros de nouvelles aides pour les agriculteurs.
Xavier Beulin a demandé une mobilisation européenne pour mettre fin à un "dumping" lié aux travailleurs détachés et aux écarts de normes sociales et environnementales, et pour faire cesser l'embargo russe.
En France, il demande l'arrêt de l'inflation normative et réglementaire, citant notamment le compte pénibilité et la complémentaire santé obligatoire.
Pour faire face à la crise, il a demandé une baisse de 10 points des cotisations sociales pour tous les agriculteurs, ce qui représenterait selon lui un montant de 600 millions d'euros.
Il a par ailleurs appelé les acteurs de la filière laitière à arrêter de tirer les prix vers le bas, faisant état de demandes de baisse de 5% ou 9% dans les négociations qui s'achèveront le 29 février.
DES PROPOSITIONS DE L'OPPOSITION
François Hollande "a pris l'engagement, d'ici le Salon de l'agriculture, de s'exprimer, il le fera sans doute également au Salon de l'agriculture", a dit Xavier Beulin. "Je pense qu'il a entendu nos demandes ce matin."
La crise agricole est l'occasion d'une passe d'armes entre le gouvernement et l'opposition.
Le président du parti Les Républicains, Nicolas Sarkozy, avancera mercredi une série de mesures au terme d'une matinée de travail sur la crise agricole qui domine la compétition entre les prétendants à la primaire de la droite et du centre.
L'opposition continue de défendre sa proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire, qui a été adoptée au Sénat (la droite y est majoritaire), mais n'a aucune chance d'être votée à l'Assemblée où elle sera examinée jeudi en séance publique.
Ce texte prévoit notamment des allègements de charges, une remise en cause de certaines normes, des aides à l'investissement et un rééquilibrage des relations entre industriels, grande distribution et agriculteurs.
"Notre incompréhension est totale à l'égard de l'attitude de Stéphane Le Foll. Pourquoi s'oppose-t-il à tous les articles du texte ? Il s'agit d'une dizaine de mesures très concrètes qui seraient un ballon d'oxygène pour les agriculteurs", a déclaré lundi Guillaume Larrivé, l'un des porte-parole de LR.
(Jean-Baptiste Vey, avec Pierre-Henri Allain à Rennes, Jean-François Rosnoblet à Marseille et Sophie Louet à Paris, édité par Yves Clarisse)