par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Menaces terroristes, inondations, pénuries de carburant et manifestations contre la loi Travail n'auront pas affecté l'Euro 2016 de football, entamé le 10 juin sous de sombres augures et conclu dimanche par un grand "ouf" de soulagement des autorités.
"Merci les Bleus !", scandaient lundi des dizaines de supporters devant l'Elysée, où ont déjeuné avec François Hollande les joueurs de l'équipe de France à la mine déçue par leur défaite, la veille en finale contre le Portugal.
De l'avis des analystes interrogés par Reuters, la France a sauvé les meubles en termes d'image en réussissant à organiser sans problème notable cette compétition au retentissement mondial malgré un contexte sécuritaire et social complexe, mais les effets sur le moral du pays resteront limités.
"Symboliquement, cet Euro peut être un baume pour les Français, traumatisés par les attentats du 13 novembre qui ont eu précisément lieu après un match de football", rappelle Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop.
Les joueurs de France-Allemagne ont entendu dans le Stade de France les détonations des kamikazes qui se sont fait exploser dans les environs de l'enceinte choisie pour la finale.
"Ce mieux-être s'ajoute au retour des beaux jours et aux vacances, même si beaucoup de Français n'en prennent pas. Cela ne saurait faire disparaître les craintes sur la sécurité, l'emploi, le pouvoir d'achat ou les inquiétudes identitaires", a ajouté le sondeur.
"LA MOINDRE DES CHOSES"
Jean-Daniel Lévy, de l'institut Harris Interactive, ne voit quant à lui rien de vraiment exceptionnel à réussir un évènement pour lequel la France s'était portée candidate.
"Les Français se disent que c'est la moindre des choses que ça marche. Le championnat d'Europe est un évènement banalisé, ça a lieu tous les quatre ans. Disons que la mission est remplie", dit le politologue.
Du côté des autorités, le résultat est positif malgré la défaite des Bleus car "la France a montré qu'elle était capable d'organiser ce type de grands événements", a résumé sur France Info le ministre des Sports, Patrick Kanner, un oeil sur la candidature de Paris pour les Jeux olympiques de 2024.
Satisfaisant au niveau sportif, le bilan l'est aussi au niveau de la sécurité.
En plein état d'urgence, avec une menace terroriste à son niveau maximal, et dans un climat social tendu par l'interminable débat sur la loi Travail, les forces de l'ordre craignaient en effet des débordements, voire un attentat.
Environ 90.000 personnes ont été mobilisées pour assurer la sécurité du championnat d'Europe, organisé dans tout le pays, et de 1.550 de personnes interpellées.
Hormis les violents affrontements qui ont fait 35 blessés avant le match Angleterre-Russie, le 11 juin à Marseille, la compétition s'est globalement déroulée sans heurts.
Les fan zones, dont certains hommes politiques, comme Nicolas Sarkozy, demandaient la fermeture, ont échappé à tout incident, malgré une forte fréquentation - plus de 1,2 million de spectateurs pour celle de la Tour Eiffel.
Dès vendredi, en marge d'un déplacement dans l'Aude, Manuel Valls se félicitait du bon déroulement de l'Euro.
"Rappelez-vous il y a encore quelques semaines, on nous expliquait que le pays était à feu et à sang, que rien n'était maîtrisé, qu'il fallait supprimer les fan zones, voire même reporter l'Euro", déclarait le Premier ministre.
"Mais face à l'épreuve, face aux défis, je pense que le gouvernement, derrière le président de la République, les élus locaux (...) et tout simplement les Français montrent leur capacité à résister, leur résilience, et à aller de l'avant".
"CRITIQUES UN PEU MOINS FORTES" SUR L'EXÉCUTIF
Prudent, François Hollande, au plus bas dans les sondages, a toutefois dit samedi ne pas attendre un regain de popularité de cette compétition. Avant d'évoquer, dans le Journal du dimanche, le besoin des Français "de se retrouver dans la joie". et
Jean-Daniel Lévy voit peu d'effets positifs sur un exécutif très affaibli, à un an de l'élection présidentielle.
"Il y aura peut-être des critiques un peu moins fortes sur l'incapacité de l'action", dit-il. "Les cotes de confiance du Premier ministre et du président de la République restent extrêmement faibles."
De l'avis de Frédéric Dabi aussi, "ce n'est pas parce que l'Euro est là que les motifs de critique vont disparaître".
"Ça ne fera pas bouger les lignes. Au mieux, ça peut être un voile qui va cacher un peu les critiques pendant quelques semaines. Elles resurgiront sans doute à la rentrée, moment où s'aiguisent les préoccupations économiques et sociales."
(Avec Chine Labbé, édité par Yves Clarisse)