PARIS (Reuters) - La France a demandé mercredi à l'ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso de renoncer à rejoindre la banque d'affaires américaine Goldman Sachs, recrutement qui suscite un tollé dans l'Union européenne.
Cette embauche est "particulièrement scandaleuse, compte tenu notamment du rôle joué par cette banque dans la crise financière de 2008 mais aussi du trucage des comptes publics de la Grèce", a dit Harlem Désir, le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, lors des questions d'actualité à l'Assemblée.
"Moralement, politiquement, déontologiquement, c'est une faute de la part de M. Barroso. C'est le pire service qu'un ancien président d'une institution européenne pouvait rendre au projet européen, à un moment de l'Histoire où il a au contraire besoin d'être soutenu, porté et renforcé", a-t-il poursuivi.
"M. Barroso fait aujourd'hui avec cette affaire le lit des anti-européens. Je l'appelle donc solennellement à renoncer", a ajouté Harlem Désir.
Goldman Sachs a annoncé le 15 juillet le recrutement de l'ex-président de la Commission européenne comme conseiller et président non-exécutif de ses activités internationales.
Cette embauche intervient alors que la banque doit se préparer aux conséquences de la sortie annoncée du Royaume-Uni de l'Union européenne.
José Manuel Barroso a présidé l'exécutif européen de 2004 à 2014 après avoir été Premier ministre du Portugal en 2002-2004.
Goldman Sachs International a son siège à Londres, où sont basés moins d'un millier de ses 6.000 salariés. Comme d'autres banques d'investissement américaines, elle est considérée comme particulièrement vulnérable aux conséquences du Brexit.
"CONFLIT D'INTÉRÊTS"
Ses activités en Europe reposent en effet en grande partie sur le "passeport européen" qui lui permet d'offrir ses services dans tous les pays de l'Union dès lors qu'elle a obtenu une licence dans un seul d'entre eux.
Plusieurs banques basées à Londres ont averti que si la sortie du Royaume-Uni se soldait par la perte de ce "passeport", elles transfèreraient une partie de leurs effectifs ailleurs.
José Manuel Barroso est censé aider Goldman Sachs et ses clients à faire face à "un environnement économique et de marché difficile et incertain", ont expliqué les dirigeants de Goldman Sachs International Michael Sherwood et Richard Gnodde.
Pour la France, cette affaire soulève un "problème majeur de règles concernant les conflits d'intérêt" concernant les anciens membres de la Commission européenne, a dit Harlem Désir.
Il existe aujourd'hui un code de conduite applicable aux anciens commissaires européens jusqu'à 18 mois après la fin de leur mandat. Mais le cas Barroso montre qu'il est insuffisant, a estimé le dirigeant français.
La France demande donc à la Commission européenne de renforcer ces règles, en particulier pour que son président soit "au-dessus des pressions d'intérêts privés", a-t-il poursuivi.
"Il faut étendre la durée d'interdiction (...), élargir les incompatibilités et renforcer le contrôle", a expliqué Harlem Désir. "Il pourrait pour cela y avoir un organe indépendant au sein duquel seraient représentés le Parlement européen (....) et des juristes internationaux pour évaluer le risque de conflits d'intérêts" dans ce type de situations.
(Emmanuel Jarry, édité par Sophie Louet)