par Jon Herskovitz et Jeff Mason
DALLAS, Texas (Reuters) - Ils se tiennent par la main, debout, démocrates et républicains, Noirs et Blancs, politiques et policiers. Entraînés par le président démocrate Barack Obama et son prédécesseur républicain George W. Bush, ils rendent hommage aux cinq policiers de Dallas, tués la semaine dernière par un ancien réserviste noir et appellent les Américains à dépasser leurs divisions.
La scène s'est déroulée mardi à Dallas au Texas, après une semaine de violence qui a vu se succéder les meurtres de deux Noirs par des policiers, l'assassinat de cinq policiers à Dallas et des manifestations et leurs lots d'interpellations.
Le tireur de Dallas, Micah Johnson, 25 ans, a dit vouloir "tuer des blancs", avant d'être lui-même tué par un robot porteur d'explosifs.
"Nous allumons la télévision ou surfons sur internet et nous voyons les positions se durcir, des lignes tracées et les gens se retirer dans leurs camps respectifs", a déclaré le premier président noir des Etats-Unis. "Je comprends ce que ressentent les Américains. Mais, je suis ici pour le dire, nous devons rejeter un tel désespoir. Je suis ici pour dire avec insistance que nous ne sommes pas aussi divisés que nous le semblons."
Dans une manifestation spontanée d'unité, Barack Obama et son épouse Michelle, l'ancien président Georges W. Bush et son épouse Laura, le vice-président Joe Biden et sa femme Jill, le maire Mike Rawlings, le chef de la police David Brown et d'autres qui étaient sur la scène se sont pris par la main à la fin de la cérémonie, tandis qu'un choeur chantait "The Battle Hymn of the Republic", un chant patriotique datant de la guerre de Sécession et qui demandait la libération des esclaves du Sud.
"PERSONNE TOTALEMENT INNOCENT"
Barack Obama a joué l'équilibre, rendant hommage aux policiers tués et aux forces de l'ordre tout en reconnaissant les préoccupations de ceux qui protestent contre les brutalités policières.
Il a noté que le tireur de Dallas avait ouvert le feu à la fin d'un défilé organisé pour dénoncer la mort de deux Noirs, tués par la police à Bâton-Rouge, en Louisiane, et dans la banlieue de Saint Paul, dans le Minnesota. Plusieurs affaires de Noirs tués par des policiers ces deux dernières années ont relancé le débat sur la justice envers les minorités.
"Amérique, nous savons que ces partis-pris demeurent. Nous le savons", a lancé Barack Obama à la foule de plusieurs centaines de personnes venues au Morton H. Meyerson Symphony Center où, symboliquement, cinq chaises sont restées vides.
"Aucun d'entre nous n'est totalement innocent. Aucune institution n'est totalement à l'abri. Et cela vaut aussi pour nos services de police", a ajouté le président.
Le président a fait allusion au mouvement "Black Lives Matter" (Les vies noires comptent) entré en action après cette longue série d'Afro-Américains tués par des policiers et que certains ont décrit comme étant contre la police.
Même ceux qui n'aiment pas l'expression "Les vies noires comptent" doivent prendre en compte la douleur ressentie par la famille d'Alton Sterling, l'homme de 37 ans abattu la semaine dernière par la police de Bâton-Rouge, a dit le président.
L'ÉLOGE DE LA POLICE
Barack Obama a également fait l'éloge de la police de Dallas et des Etats-Unis.
"Nous savons que la très grande majorité des agents de police accomplissent un travail incroyablement dangereux et difficile avec équité et professionnalisme. Ils méritent notre respect, pas notre mépris", a dit le chef de la Maison blanche.
"Et, quand quelqu'un, même bien intentionné, taxe tous les policiers de partialité ou de sectarisme, nous nuisons à ces agents dont dépend notre sécurité", a-t-il ajouté.
"Et en ce qui concerne ceux qui utilisent des mots suggérant de s'en prendre à la police, même s'ils n'agissent pas eux-mêmes, non seulement ils rendent le travail des policiers encore plus dangereux, mais ils desservent la cause même de la justice qu'ils disent promouvoir", a déclaré Barack Obama.
Son prédécesseur George W. Bush a lui aussi fait entendre la voix de l'unité. "Les forces qui nous divisent semblent parfois plus fortes que celles qui nous unissent. Les querelles tournent trop facilement à l'animosité. Nous ne voulons pas l'unité des reproches, ni celle de la peur. Nous voulons l'unité de l'espoir, de l'affection et des grandes ambitions", a-t-il dit.
Comme après la plupart des fusillades qui ont défrayé la chronique pendant ses deux mandats, Barack Obama a de nouveau plaidé pour une réforme de la législation sur les ventes d'armes. Un débat sur le sujet s'est ouvert au Sénat après la tuerie d'Orlando, qui a fait 49 morts le 12 juin et dont le bilan était sans précédent aux Etats-Unis, mais il est jusqu'ici resté stérile du fait des divergences entre républicains.
Mercredi, Barack Obama doit évoquer les moyens de rétablir la confiance entre les communautés et la police avec des élus et des représentants des mouvements de défense des droits civiques.
Mardi devant le bâtiment où se tenait la cérémonie, se trouvait Sharice Williams, 41 ans. Elle avait fait 155 km en voiture pour tenter d'apercevoir le président.
"Mon coeur est lourd. Je n'en peux plus de voir mes frères et mes soeurs se faire tuer, mais la police ne mérite pas ça. Je prie pour qu'Obama nous ramène un peu de paix", a déclaré cette habitante de Waco.
(Avec Lisa Maria Garza à Dallas et Ayesha Rascoe, Richard Cowan et Julia Edwards à Washington; Eric Faye, Jean-Philippe Lefief et Danielle Rouquié pour le service français)