PARIS (Reuters) - La France et l'Allemagne ont lancé lundi les travaux de leur assemblée parlementaire commune, une singularité institutionnelle au sein de l'Union européenne dont les deux pays ont défendu le rôle d'"aiguillon" politique et démenti toute velléité supranationale.
Forte de cent députés - 50 Français et 50 Allemands -, l'assemblée, dont la naissance a été scellée lundi à Paris par Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale, et Wolfgang Schäuble, président du Bundestag, se réunira au moins deux fois par an.
Sa feuille de route, extensive, recouvre la transposition des directives européennes dans des termes identiques par Français et Allemands, la mise en oeuvre des décisions franco-allemandes et la bonne application du traité d'Aix-la-Chapelle.
La députée (La République en marche) Sabine Thillaye, née en Allemagne, a été élue à la tête du bureau de la nouvelle chambre au côté d'Andreas Jung (CDU), président du groupe d'amitié Allemagne-France au Bundestag. Il comptera huit membres français et huit membres allemands.
L'assemblée "a vocation à devenir le pendant parlementaire du Conseil des ministres franco-allemand", a souligné Richard Ferrand avant la signature de l'accord.
"Nous devons jouer activement un rôle d'aiguillon, faire remonter de nos territoires respectifs les difficultés concrètes dont le règlement permettra de faire progresser dans la vie l'entente franco-allemande", a-t-il ajouté.
"Relevons le gant!", a abondé Wolfgang Schäuble, en appelant de ses voeux "des débats animés, y compris sur les sujets délicats" afin de relancer une construction européenne au point mort. "Nous pourrons nous quereller sur le fond, parce que nous avons besoin de discuter franchement" mais dans l'amitié et le respect, a-t-il déclaré.
TOUT SAUF "UNE CONSTRUCTION SUPRANATIONALE ABSTRAITE"
Richard Ferrand a souhaité que la nouvelle assemblée aide à développer des "réflexes franco-allemands" pour la bonne marche du tandem "afin d'éviter des divergences artificielles ou inutiles, qui peuvent parfois être néfastes."
Sabine Thillaye a évoqué l'exemple détonant de la Défense, où les divergences bilatérales sont légion. "Quand on dit industrie de la Défense, un Allemand entend d'abord le mot industrie, donc retombées économiques, un Français entend le mot défense, défense des intérêts."
"Entre les deux maintenant, il faudra qu'on trouve une complémentarité pour pouvoir aller plus loin", a-t-elle plaidé lors d'une conférence de presse.
En France, la création de cette assemblée a été rejetée par Gilbert Collard (Rassemblement national) et plusieurs élus de La France insoumise, qui dénoncent une atteinte à la souveraineté nationale. L'opposition a été beaucoup plus vive en Allemagne où la quasi-totalité des députés d'Alternative pour l'Allemagne (extrême droite) et de Die Linke (Gauche radicale) a dit non au projet.
"Cette nouvelle assemblée ne va ni diminuer, ni supprimer la souveraineté des deux Etats", a assuré le président du Bundestag. "Les résolutions de l'Assemblée sont des suggestions politiques, elles n'ont force de loi qu'à travers les décisions de l'Assemblée nationale et du Bundestag."
Cette chambre "ne sera évidemment pas une construction supranationale abstraite ou éthérée", a affirmé pour sa part Richard Ferrand.
"Ceux qui sont dans la paranoïa complotiste ou dans l'incantation trouvent que c'est trop ou pas assez, ça n'a pas d'importance", a-t-il ajouté ensuite lors d'une conférence de presse, évoquant également en creux les critiques des fédéralistes.
(Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)