PARIS (Reuters) - Le commanditaire des attentats du 13 novembre 2015 a été identifié, et il ne s'agit pas d'Abdelhamid Abaaoud, d'après le directeur général de la sécurité extérieure, Bernard Bajolet.
Son audition à huis clos devant la commission d'enquête parlementaire sur la lutte contre le terrorisme, le 24 mai dernier, a été rendue publique mardi.
Dans un passage relevé par Le Parisien et Libération, le patron de la DGSE revient sur le rôle joué par Abdelhamid Abaaoud, initialement présenté comme le commanditaire, puis comme le chef opérationnel présumé des attaques.
"Il est vrai qu'Abaaoud était un coordonnateur, mais pas le commanditaire", dit-il. "Nous connaissons le commanditaire, mais je resterai discret sur ce point", ajoute-t-il.
Abdelhamid Abaaoud est mort le 18 novembre dans un assaut donné par les forces de sécurité contre un appartement de Saint-Denis, au nord de Paris, où se cachaient plusieurs djihadistes.
"Nous avons maintenant une bonne connaissance de l'organigramme et de la façon dont s'organise le soi-disant Etat islamique, qui n'est pas un Etat, et qui est encore moins islamique", explique Bernard Bajolet dans son audition. "Nous avons bien progressé sur ces sujets, nous avons donc une idée de l'identité du commanditaire."
Pour lui, les attentats du 13 novembre 2015, qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis, représentent "un échec" des services de renseignement extérieur et intérieur, même si aucun élément découvert a posteriori ne laisse penser que les attentats auraient pu être évités.
"Ils ont été planifiés à l'extérieur de nos frontières et organisés en Belgique, c'est-à-dire dans l'aire de compétence de la DGSE", souligne-t-il. "Ils représentent aussi sans doute un échec pour le renseignement intérieur, dans la mesure où ils se sont produits sur notre sol, même si le commando ne disposait pas de base en France."
ABAAOUD, "ANGLE MORT" DE LA LUTTE ANTITERRORISTE
Le parcours du Belgo-Marocain Abdelhamid Abaaoud, "angle mort de la lutte antiterroriste européen", selon la commission d'enquête parlementaire, figure au rang des "échecs" relevés par les parlementaires.
Connu des services de renseignement français, belges, grecs et turcs, il se rend en Syrie en février 2013 et fait alors l'objet d'une note de la sûreté belge. Puis, un mandat d'arrêt international est émis à son encontre en août 2014.
Malgré tout, il parvient à revenir en Europe, et s'associe, en Belgique, à la cellule djihadiste dite de Verviers, en Belgique, avant d'être localisé en Grèce puis de disparaître des écrans radars.
Il aurait pu être interpellé si la Grèce, où il avait été localisé en janvier 2015, n'avait pas été informée au dernier moment par les Belges de l'assaut, ce même mois, contre la cellule de Verviers dont il était la tête pensante présumée, juge la commission d'enquête française dans son rapport.
"La précipitation de l'intervention à Verviers n'a pas permis une telle arrestation", écrit-elle, soulignant la "frustration" des Grecs à ce sujet.
En France, Abdelhamid Abaaoud était connu depuis janvier 2015, indique Bernard Bajolet. "Nous connaissions parfaitement la dangerosité du personnage", ajoute-t-il, précisant avoir "aidé" les Belges à déjouer un attentat à Verviers.
La lutte contre le groupe Etat islamique sera "de longue haleine", prévient le directeur général de la sécurité extérieure. "Quand bien même Daech aura été vaincu sur le plan militaire, les services de renseignement savent que la menace subsistera pendant plusieurs années", ajoute-t-il.
Depuis janvier 2013, la DGSE a contribué à 69 opérations "d'entrave de la menace terroriste" : 12 ayant permis d'éviter des attentats contre des intérêts français à l'étranger, et 6 contre des intérêts occidentaux, indique son directeur.
(Chine Labbé, édité par Sophie Louet)