par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Le gouvernement n'exclut pas de définir dans la future loi sur le travail des causes "réelles et sérieuses" de licenciement économique mais la question n'est pas encore tranchée, a-t-on appris mardi auprès du ministère du Travail.
Une telle mesure répondrait à une demande du patronat, qui y voit un moyen de faciliter ces licenciements en réduisant les risques de contentieux.
Le critère retenu pourrait par exemple être la baisse du chiffre d'affaires pendant deux ou trois trimestres successifs, comme le droit du travail espagnol le prévoit déjà.
Le Medef est prêt à renoncer à modifier le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) dans ce sens si une telle disposition est effectivement reprise dans la loi, a pour sa part déclaré mardi à la presse son président, Pierre Gattaz.
Une première version du texte, qui prévoit une réécriture du code du travail, plafonne les indemnités accordées par les prud'hommes, se penche sur la négociation et le dialogue social en entreprise ou met en place le futur "compte personnel d'activité", a été transmise vendredi dernier au Conseil d'Etat.
Une deuxième version, corrigée en tenant compte des recommandations du Conseil et de derniers échanges avec les partenaires sociaux, prendra le même chemin vendredi prochain.
Plusieurs "pistes" sont ainsi retravaillées, dont celle de la "sécurisation" des licenciements économiques. Mais si "rien n'est exclu, rien n'est privilégié", dit-on au ministère.
"NE TOUCHONS PAS AU CDI" (GATTAZ)
"La ministre (du Travail, Myriam El Khomri) continue ses échanges avec les partenaires sociaux, le Premier ministre et le président de la République", ajoute-t-on. Une réunion avec François Hollande est ainsi prévue cette semaine.
Pour les syndicats, le CDI est un tabou absolu et l'exécutif a fait savoir qu'il n'était pas question d'y toucher.
Mais confronté à un chômage record, alors que François Hollande a fait de sa baisse une condition de sa candidature à l'élection présidentielle de 2017, le gouvernement pourrait être tenté de faire un pas vers le patronat.
Jusqu'ici, le Medef demandait l'inscription dans le CDI lui-même des conditions de rupture du contrat de travail liées à la situation économique de l'entreprise ou à la réalisation d'un projet, pour remédier à la "peur d'embaucher" des entreprises.
Mais "nous avons pensé que le mettre dans la loi était peut-être plus facile que de le mettre dans le contrat lui-même", a déclaré mardi Pierre Gattaz.
"Donc ne touchons pas au CDI, ça ne nous choque pas. Mettons dans la loi des causes réelles et sérieuses de licenciement, qui permettent de ne pas être débouté (...) Nous sommes tout à fait d'accord avec le fait que ça ne doit pas toucher le CDI."
Le président de la CGPME, François Asselin, a confirmé à Reuters cette hypothèse.
"On nous en a parlé (...) A priori ça ne sera pas dans le contrat de travail", a-t-il dit. "Si c'est ça, c'est bon."
Pour Pierre Gattaz, ce serait "un grand pas en avant", qui permettrait de "donner un signal fort aux entrepreneurs et aux investisseurs français et étrangers".
"On sait qu'on n'aura pas tout dans la loi El Khomri mais au moins on progresse dans la bonne direction", a-t-il ajouté.
"INENVISAGEABLE" POUR LA CFDT
Si cette disposition, est retenue, une nouvelle bataille se profile avec la gauche du Parti socialiste. Les syndicats y sont également tout aussi hostiles qu'à une modification du CDI.
Plusieurs responsables syndicaux assurent au demeurant n'avoir jamais évoqué la question avec Myriam El Khomri.
"Il n'a jamais été question d'aborder le problème de la sécurisation des licenciements économiques, a ainsi dit à Reuters Marylise Léon (CFDT). "Pour nous, c'est inenvisageable."
"Il faut arrêter de penser qu'on va créer de l'emploi en facilitant les licenciements", a-t-elle ajouté.
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a averti lundi que le syndicat réformiste se mettrait "en travers de la route" d'une telle disposition.
"On nous a présenté la semaine dernière un projet de loi de 50 articles mais ça, je ne l'ai pas vu", dit pour sa part Franck Mikula (CFE-CGC) pour qui ce serait une "régression sociale".
Une autre disposition susceptible de susciter l'ire des syndicats est bien présente dans le texte, précise-t-il : le principe d'accords d'entreprise "offensifs" pour préserver ou développer l'emploi, avec un impact sur les contrats de travail et la possibilité de licencier un salarié refusant de s'y plier.
Selon les mêmes sources syndicales, le projet de loi prévoit également l'assouplissement des durées maximales de travail.
(Edité par Yves Clarisse)