PARIS (Reuters) - Manuel Valls a ouvertement déclaré la guerre à Emmanuel Macron mercredi, au lendemain du meeting parisien du ministre de l'Economie, en l'accusant de "céder aux sirènes du populisme" et de dénigrer un "système" dont il est le "produit".
L'exaspération du Premier ministre était perceptible depuis le lancement, le 6 avril dernier, du mouvement politique "En Marche!" d'Emmanuel Macron, qui entretient le doute sur ses intentions pour la présidentielle de 2017, mais les propos sévères qu'il a tenus mercredi devant des parlementaires marquent un tournant dans le conflit larvé les opposant.
Un conflit qui éclate au plus mauvais moment pour François Hollande, attendu jeudi pour la dernière interview radiotélévisée du 14-Juillet de son quinquennat.
"L’éthique de responsabilité, c’est le devoir de clarté, pas l’entretien d’un climat, pourri par l’ambiguïté", a déclaré Manuel Valls qui recevait les élus à Matignon pour un "pot" de fin de session parlementaire.
"On ne peut pas dénoncer un prétendu 'système' en cédant aux sirènes du populisme quand, circonstance aggravante, on est soi-même le produit le plus méritant de l'élite de la République", a-t-il ajouté, selon le texte de son intervention fourni par ses services.
Lors d'un discours fleuve mardi soir à la Mutualité, salle-symbole de la gauche, Emmanuel Macron a notamment dénoncé les "règles du jeu datées" d'un "système" qui "ne voulait pas changer".
L'appel à la mobilisation d'Emmanuel Macron "jusqu'en 2017 et jusqu'à la victoire" est perçu comme la transgression de trop au gouvernement et à gauche, où l'on s'interroge sur le maintien paradoxal du ministre de l'Economie dans un "système" qu'il conteste.
COMME ROCARD?
Au sortir de Matignon, des députés socialistes comme Christophe Caresche et Philippe Doucet ont évoqué la révocation du ministre.
"Il faut que le président prenne ses responsabilités", a dit le premier." C'est François Hollande qui l'a mis là, c'est lui qui l'a nommé ministre. La situation nouvelle qui est posée, (...) il faut la poser à François Hollande", a déclaré le second.
Lors du compte rendu du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a renvoyé le sujet à l'entretien présidentiel, sans réussir à masquer son irritation.
"Pour utiliser une expression sarthoise : "Il faut éviter de s'égailler", a-t-il commenté, invitant à ne pas oublier la montée de l'extrême droite en France.
"Moi, je suis clair depuis longtemps, loyal, car en politique il faut de la loyauté. Pour le reste, chacun fait son chemin. En marchant, en courant, en roulant", a-t-il ironisé.
Le meeting de la discorde n'a pas été évoqué lors du conseil des ministres mais un participant a rapporté que François Hollande avait parlé de l'importance de la "gratitude" à propos de la victoire du Portugal en finale de l'Euro de football.
Un message à double sens tel que les affectionne le président.
De l'avis d'un proche du chef de l'Etat, "la règle est simple : ou François Hollande est candidat en 2017 et Emmanuel Macron ne peut pas l'être. Ou Hollande n'y va pas et il peut y aller, comme d'autres".
"Macron sera à Hollande ce que Rocard fut à Mitterrand", ajoute-t-il, en référence à la rivalité au sommet entre l'ancien président socialiste et son Premier ministre, récemment décédé, qui ne parvint jamais à imposer sa candidature à la présidentielle.
"Ce que Macron a fait hier soir bloque une possible candidature du président de la République. Je suis convaincu que c'est un vrai facteur bloquant", a estimé pour sa part Philippe Doucet.
(Elizabeth Pineau, édité par Sophie Louet)