PARIS (Reuters) - La question de la dette de la SNCF s'est invitée ces dernières semaines dans le débat entre les syndicats, qui demandent à l'Etat de soulager les finances de la compagnie ferroviaire, et le gouvernement, rétif à l'idée d'alourdir brutalement les comptes publics.
Voici les principales questions que soulève le sujet :
A COMBIEN S'ÉLÈVE LA DETTE
La dette de SNCF Réseau, qui possède et gère l'essentiel des voies ferrées, s'élevait à la fin 2017 à 45,2 milliards d'euros en valeur nominale et à 46,6 milliards d'euros en valeur IFRS - une norme comptable internationale.
Elle augmente à un rythme d'environ 3 milliards d'euros par an, dont une moitié correspond aux seuls intérêts générés.
Il s'agit à 95% d'une dette obligataire à long terme, pour l'essentiel à taux fixe, a précisé mercredi Patrick Jeantet, PDG de SNCF Réseau, lors d'une audition à l'Assemblée nationale.
En 2017, le taux d'intérêt moyen était de 3,35%.
Le montant de la dette "est à mettre en perspective avec un chiffre d'affaires de 6,6 milliards d'euros, une marge opérationnelle de 1,8 milliard d'euros, des frais financiers de 1,3 milliard d'euros et un besoin d’investissement de plus de 3 milliards d’euros par an", peut-on lire dans le rapport remis en février par Jean-Cyril Spinetta au gouvernement.
Si rien n'est fait, le trou avoisinera les 62 milliards d'euros en 2026, selon diverses projections.
S'y ajoutent environ huit milliards d'euros de dette logée dans SNCF Mobilités, qui exploite les trains.
D'OÙ PROVIENT LA DETTE
Le trou s'est régulièrement creusé au fil des décennies, jusqu'à atteindre 27 milliards d'euros en 2010, puis le rythme s'est accéléré à partir de cette date sous l'effet notamment des investissements réalisés.
Durant cette période, le réseau à grande vitesse s'est étendu avec la réalisation simultanée de quatre lignes, dont celles desservant Bordeaux, la Bretagne et les Pays-de-Loire - autant de choix relevant des pouvoirs publics.
Parallèlement, le déficit structurel - de l'ordre de deux milliards d'euros par an - s'est aggravé, a souligné devant les députés Sandrine Chinzi, directrice des infrastructures de transport au ministère de la Transition écologique.
Une aggravation qu'elle explique par les dépenses liées à l'entretien et à la régénération d'un réseau en voie de dégradation et par la hausse des frais financiers.
CE QUE LES SYNDICATS DEMANDENT
Les quatre syndicats engagés dans une grève d'usure depuis deux semaines, CGT, Unsa, Sud et CFDT, exhortent l'Etat à reprendre les dizaines de milliards d'euros de dette, laquelle - arguent-ils - n'est le fait ni des employés, ni des usagers.
Ils estiment en particulier que le statut des cheminots, que l'exécutif veut éteindre progressivement, n'a rien à voir avec l'état des comptes de la compagnie.
POURQUOI UNE REPRISE AU MOINS PARTIELLE S'IMPOSE
La dette actuelle apparaît d'autant moins soutenable que la SNCF s'apprête à se transformer, en 2020, en société nationale à capitaux publics en vertu du projet de loi en cours d'examen au Parlement.
"On ne peut pas, de facto, créer une entreprise en situation de faillite", a récemment déclaré le rapporteur du texte à l'Assemblée, Jean-Baptiste Djebbari, sur franceinfo. "Si on installe une SA, alors on ne peut pas installer une SA qui a 35 milliards de dette."
Dans son rapport, l'ex-PDG d'Air France (PA:AIRF) Jean-Cyril Spinetta préconise également une reprise de la dette mais, ajoute-il, ce traitement "devrait s'accompagner de dispositions interdisant pour l’avenir à SNCF Réseau de reconstituer une dette non soutenable".
CE À QUOI S'ENGAGE L'EXÉCUTIF
La question est loin d'être évidente à trancher pour l'Etat : si la dette du ferroviaire était inscrite en totalité dans ses comptes, elle viendrait gonfler de plus de deux points de PIB la dette publique, alors que le gouvernement prévoit de la faire baisser en proportion de la richesse nationale cette année mais aussi sur le reste du quinquennat.
Pour l'heure, Emmanuel Macron a promis de prendre à la charge de l'Etat "le maximum" possible, "progressivement" et à partir du 1er janvier 2020, sans s'engager sur un montant précis, ni sur un échéancier.
(Simon Carraud, édité par Yves Clarisse)