PARIS (Reuters) - L'exécutif, qui souhaite limiter la mobilisation de jeudi contre la réforme du travail à un simple rassemblement statique à Paris, et les syndicats, hostiles à cette idée, se sont renvoyé la balle lundi sans trouver de solution de compromis.
Dans une lettre au numéro un de la CGT, Philippe Martinez, le ministre de l'Intérieur lui demande de "prendre en considération" la proposition du préfet de police d'organiser un rassemblement statique place de la Nation et menace en termes à peine voilés d'interdire toute autre forme de manifestation.
Les syndicats opposés au projet de loi Travail ont dénoncé en réponse "une remise en cause d’un droit fondamental" et demandent à Bernard Cazeneuve de "faire une nouvelle proposition de manifestation garantissant la sécurité de tous".
Un défilé comme celui du 14 juin à Paris, marqué par des violences et des dégradations, "n'apparaît pas envisageable", explique dans sa lettre le ministre de l'Intérieur, soulignant la mobilisation des forces de l'ordre contre la menace terroriste et pour la sécurité de l'Euro de football.
La place de la Nation est le point d'arrivée envisagé par les sept syndicats organisateurs, dont la CGT et Force ouvrière (FO), pour le cortège de jeudi.
"Je vous demande de prendre en considération cette proposition qui, aujourd'hui, apparaît comme la seule voie responsable de l'expression des revendications que vous portez", écrit Bernard Cazeneuve.
Il rappelle que les violences du 14 juin, imputées pour l'essentiel à des casseurs, qui s'en sont notamment pris à une façade vitrée de l'hôpital pour enfant Necker, ont fait 28 blessés parmi les policiers.
Cela porte à 554 le nombre de membres des forces de l'ordre blessés depuis le début du mouvement, début mars, précise Bernard Cazeneuve, qui fait également état de 1.776 interpellations, 1.198 gardes à vue et 95 condamnations.
Le Premier ministre, Manuel Valls, a accusé mercredi dernier la CGT ne pas avoir su assurer le bon déroulement de la manifestation du 14 juin. Il a même dénoncé l'"attitude ambiguë" du service d'ordre du syndicat à l'égard des casseurs.
"SOURICIÈRE"
François Hollande et Manuel Valls ont menacé d'interdire tout nouveau défilé ne présentant pas de garanties contre le risque de dégénérer.
Dans leur réponse à Bernard Cazeneuve, les syndicats réunis autour de la CGT et de FO réfutent une nouvelle fois les accusations de l'exécutif, en particulier celle selon laquelle des militants auraient agressé des policiers.
La CGT, FO et les cinq autres membres de l'intersyndicale (FSU, Solidaires, Unef, Unl, Fidl) ont renouvelé, à plusieurs reprises au cours de la journée, leur appel à deux nouvelles journées de mobilisation, jeudi et le 28 juin.
Ces organisations ont déposé auprès de la préfecture de police de Paris, pour jeudi, un projet de parcours entre les places de la Bastille et de la Nation.
Pascal Joly, numéro un de la CGT Ile-de-France, a expliqué à Reuters le choix de cet itinéraire, plus court que celui de la semaine dernière, par des impératifs de sécurité.
"Je ne vois pas ce qui pourrait nous inciter à renoncer à notre droit constitutionnel de manifester", a-t-il ajouté. Il a cependant précisé que la décision serait prise in fine à sept : "Ça sera une réponse unitaire."
Son homologue de FO à Paris, Gabriel Gaudy, a pour sa part jugé inacceptable la proposition du ministère de l'Intérieur.
"A chaque rassemblement place de la Nation on s'est fait 'canarder' des deux côtés, par les forces de l'ordre et par les casseurs", a-t-il expliqué à Reuters. "Jamais on n'ira dans une telle souricière."
"Le Premier ministre prendra ses responsabilités. Nous, nous maintenons la manifestation telle que nous l'avons prévue" avait-il auparavant déclaré.
Selon un sondage Ifop réalisé du 15 au 17 juin auprès de 1.003 personnes, à paraître jeudi dans Valeurs actuelles, les Français se déclarent à 71% pour l'interdiction des manifestations à risque, dont 79% parmi les sympathisants socialistes et 87% parmi les électeurs des Républicains. Seuls les sympathisants du Front de gauche y sont défavorables (39% d'approbation).
(Emmanuel Jarry avec Simon Carraud, édité par Sophie Louet)