par Elizabeth Pineau et Johnny Cotton
PARIS (Reuters) - Masque obligatoire devant le Radeau de la Méduse, parcours obligé pour voir la Joconde: le Louvre, le musée le plus fréquenté du monde, rouvre ses portes le 6 juillet à un public privé de ses chefs-d'oeuvres pendant quatre mois.
Arrêt du tourisme oblige, la Pyramide de verre s'apprête à accueillir une foule très différente de celle de l'avant-coronavirus, constituée à 75% d'étrangers, Américains et Chinois en tête.
"Si les frontières européennes (extérieures) restent fermées, on s'attend à une baisse de la fréquentation de 80% à peu près", a déclaré le président du Louvre, Jean-Luc Martinez, mardi lors d'une visite de presse, rappelant que le Louvre accueille l'été jusqu'à un million de visiteurs par mois.
Cette visite de presse coïncidait avec une préouverture "blanche" pour les 2.000 agents du site destinée à peaufiner le protocole.
"C'est une bonne initiative parce que c'est sans risque pour le public et les agents. On reste vigilants mais globalement toutes les conditions sont réunies pour que la réouverture se passe bien", a dit à Reuters un délégué syndical.
Une dizaine de jours avant le début du confinement en France, des agents avaient fait usage de leur "droit de retrait" par crainte de l'épidémie.
Le dialogue social interne a été maintenu pendant la fermeture, tout comme la relation avec les amoureux du Louvre via internet et les réseaux sociaux qui ont reçu 10 millions de visites.
"Cela n'apporte aucune ressource mais c'est très important pour maintenir le lien", dit un membre du service de presse.
Pour cette réouverture, le Louvre prévoit un parcours dédié pour voir la Joconde et la galerie d'Apollon récemment rénovée. Un parcours sera conseillé ailleurs en fonction de l'affluence, contrôlée grâce aux réservations en ligne désormais demandées. Un protocole sanitaire est prévu avec masque, gel désinfectant à l'entrée, vestiaires fermés.
Certaines salles resteront closes, notamment celles consacrées à la sculpture française du Moyen Âge et de la Renaissance, les arts de l'Islam ainsi que les peintures d'Europe du Nord.
LE COÛT RESTE À ÉVALUER
Le coût de la crise pour le haut lieu du tourisme tricolore, dont l'aide annuelle de l'Etat de 100 millions d'euros constitue 40% du budget propre, reste à évaluer. "Les études sont en cours", dit l'institution.
Malgré la gravité de cet arrêt pour un site qui recevait ces deux dernières années 10 millions de visiteurs annuels, un délégué syndical de la maison reste confiant. "L’établissement dispose de fonds propres, ce qui devrait lui permettre d'absorber le choc. Le Louvre a les reins solides", dit-il.
Jean-Luc Martinez rappelle pour sa part qu'"aucun musée au monde n'est économiquement rentable". "Un musée, c'est d'abord un investissement en termes d'éducation, en termes de culture, en termes de rayonnement aussi pour une nation", a-t-il ajouté, ne doutant pas que "le Louvre restera dans dix ans, dans vingt ans".
"Nous avons la capacité à rebondir donc je ne pense pas que le modèle du Louvre soit remis en cause."
Le ministère de la Culture a lui-même assuré que l'Etat ne se déroberait pas.
"Les pertes essuyées par nos principaux opérateurs patrimoniaux sont très importantes. Le modèle économique de nos grands musées et monuments nationaux, très dépendant de la fréquentation touristique étrangère est durablement remise en cause", a déclaré le ministère par mail, en réponse à une question de Reuters.
"Ces établissements, si essentiels à notre pays, ne s’en sortiront pas sans un soutien financier exceptionnel de l’Etat, qui sera au rendez-vous", a-t-il ajouté.
Parmi les victimes collatérales figurent les guides-conférenciers indépendants, qui pourront reprendre les visites pour des groupes de 25 personnes maximum, et les boutiques du musée, qui vont rouvrir sans la manne représentée par les étrangers qui y font provision de souvenirs.
Emmanuel Marcovitch, directeur général délégué de la Réunion des monuments nationaux qui gère 35 boutiques notamment situées au Louvre, au château de Versailles et au centre Pompidou, s'attend à une chute du chiffre d'affaires annuel "comprise entre la moitié et les deux-tiers".
(avec Noémie Olive; édité par Henri-Pierre André et Jean-Michel Bélot)