par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Une robe tâchée de sperme et la reconnaissance d'une relation consentie avec une des plaignantes qui a porté plainte pour viol contre Tariq Ramadan pourraient amener l'islamologue suisse, détenu en France, à changer de système de défense.
Mis en examen pour viol et viol sur personne vulnérable et incarcéré depuis le 2 février, Tariq Ramadan est aujourd'hui visé par cinq plaintes - trois en France, une aux Etats-Unis et une en Suisse - pour des faits similaires assortis de violences.
Des accusations qu'il a jusqu'ici formellement contestées.
Il a cependant reconnu avoir eu des relations avec une des trois plaignantes françaises, identifiée sous le prénom de Marie, ex-escort-girl de 45 ans qui fut citée dans l'affaire de proxénétisme du Carlton dans laquelle l'ex-ministre socialiste Dominique Strauss-Kahn a été mis en cause avant d'être relaxé.
Elle a décrit aux enquêteurs le même mode opératoire que les autres plaignantes : une phase de séduction sur les réseaux sociaux à un moment difficile de sa vie, puis des rencontres tournant très vite à l'agression sexuelle violente.
"Il la connaît, il a eu une relation avec elle mais qui n'est pas celle qu'elle a décrite", a dit à Reuters Me Emmanuel Marsigny, l'avocat du théologien.
Cette femme a remis aux enquêteurs une robe sur laquelle il y a, selon elle, des traces de sperme de Ramadan. "Une expertise a été ordonnée hier", a précisé l'avocat du théologien.
Selon une source proche du dossier, cette robe s'ajoute à "un volume incroyable d'échange vocaux, écrits et vidéos", dont "90% sont à caractère sexuel très explicite", entre l'islamologue et Marie, mais aussi des menaces "quasi-systématiques" dès que la jeune femme se rebelle.
RAMADAN PEUT RESTER EN PRISON
Après l'avoir longtemps nié, le petit-fils du fondateur égyptien des Frères musulmans a par ailleurs admis être bien arrivé le matin du 9 octobre 2009 à Lyon et non en fin d'après-midi pour une conférence, ce qu'au moins un témoin, qui était allé le chercher à l'aéroport, a confirmé.
C'est précisément cet après-midi-là qu'une plaignante, identifié sous le prénom Christelle, quadragénaire convertie à l'islam et handicapée, dit avoir été violée par Tariq Ramadan dans sa chambre d'hôtel et y être ensuite restée prostrée jusqu'à une heure avancée de la nuit.
Si l'alibi invoqué dans un premier temps par Tariq Ramadan est tombé, il continue de contester les accusations de cette femme, dont le fait qu'elle serait restée dans sa chambre.
Son avocat a notamment demandé que soient examinés des échanges par messagerie électronique entre Christelle et un témoin, révélant selon lui des "contradictions flagrantes" avec la version donnée par la plaignante aux enquêteurs.
Une expertise a aussi été demandée sur une photographie de l'assistance à la conférence, sur laquelle apparaîtrait, au quatrième rang, une femme ressemblant à Christelle, ce qui contredirait la version selon laquelle elle était au même moment prostrée dans la chambre de l'islamologue.
Les avocats successifs de Tariq Ramadan ont réclamé sa libération pour raison de santé. Une expertise médicale demandée par les juges chargés du dossier et rendue mercredi confirme qu'il souffre de sclérose en plaques mais assure qu'il peut être détenu, sous réserve d'un traitement médical adéquat.
"La prise en charge actuelle de M. T. Ramadan n'est pas incompatible avec la détention", estiment les experts.
(Edité par Yves Clarisse)