par Humeyra Pamuk et Simon Lewis
WASHINGTON (Reuters) - L'administration Biden estime que l'armée de Birmanie s'est rendue coupable de génocide et de crimes contre l'humanité contre la minorité musulmane des Rohingya, ont déclaré à Reuters des responsables américains.
Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, annoncera cette décision lundi au musée du Mémorial de l'Holocauste à Washington où se tient une exposition sur le sort de la communauté des Rohingya, ont indiqué les sources.
Au moins 730.000 membres de cette minorité musulmane ont fui la Birmanie pour trouver refuge au Bangladesh pour échapper à une campagne militaire en 2017, faite de meurtres, de viols collectifs et d'incendies criminels.
Ceux restés en Birmanie s'estiment victimes de discrimination et de mauvais traitement dans un pays qui ne les reconnaît pas comme des citoyens à part entière.
L'armée birmane a par la suite pris le pouvoir en février 2021 en dénonçant une fraude lors des législatives remportées par la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) d'Aung San Suu Kyi.
L'enquête ordonnée par Antony Blinken conclut que l'armée birmane a commis un génocide en 2017, ont déclaré les responsables américains sous couvert d'anonymat.
Washington espère que cette qualification accroîtra la pression internationale pour tenir pour responsable la junte alors que cette accusation ne se traduit pas automatiquement par des mesures punitives de la part des Etats-Unis.
"Il sera plus difficile pour [l'armée birmane] de commettre d'autres abus", a estimé un haut fonctionnaire du département d'Etat.
L'ambassade de Birmanie à Washington et un porte-parole de la junte n'ont pas répondu immédiatement aux sollicitations de Reuters.
La junte nie avoir commis un génocide contre les Rohingya, disant mener une opération contre les terroristes.
Une mission d'enquête des Nations unies a conclu en 2018 que la campagne de l'armée comprenait des "actes génocidaires" mais Washington a qualifié à l'époque les atrocités de "nettoyage ethnique", un terme qui n'a pas de définition juridique en droit pénal international.
Depuis la Guerre froide, le département d'Etat a utilisé officiellement le terme de génocide à six reprises pour décrire les massacres perpétrés en Bosnie, au Rwanda, en Irak et au Darfour, les attaques de l'Etat islamique contre les Yazidis et d'autres minorités et, plus récemment, le traitement réservé par la Chine aux Ouïghours et à d'autres minorités chinoises.
(Reportage Humeyra Pamuk et Simon Lewis, version française Laetitia Volga)