BORDEAUX/MARSEILLE/LILLE (Reuters) - Des routiers français ont installé mardi des barrages filtrants aux frontières belge, espagnole et italienne pour protester contre leur exclusion de la nouvelle directive européenne qui durcira les conditions de recours à des "travailleurs détachés".
Les ministres du Travail de l'UE ont décidé fin octobre de limiter à 12 mois la durée maximale du détachement mais avec dérogation possible pour six mois supplémentaires.
L'accord prévoit le maintien du paiement des cotisations sociales dans le pays d'origine mais garantit aux salariés détachés une égalité de rémunération, primes comprises, dans le respect des conventions collectives, avec leurs collègues du pays d'accueil. Seul le salaire minimum de ce dernier leur était jusqu'alors garanti par la directive de 1996.
Si cet accord avait été plutôt bien accueilli par les syndicats, les routiers en avaient été exclus - provisoirement selon la France, le temps de négocier des dispositions spécifiques -, ce qui a provoqué leur colère.
Une vingtaine de routiers de FO, de la CFDT et de la CGT ont ainsi installé un barrage filtrant au poste frontière franco-espagnol de Biriatou au Pays Basque, laissant passer les voitures et bloquant les poids lourds, le temps de remettre un tract aux chauffeurs pour leur expliquer le sens de leur action.
"Dans le transport, le salaire d'un travailleur détaché est le salaire de base en France, mais il n'y a pas toutes les indemnités de la convention collective, c'est-à-dire les primes", a dit Pascal Favre, de FO transports Aquitaine.
"D'autre part, en augmentant les différences de salaires et de conditions de travail on met en péril l'économie des salariés et des entreprises français, et on met en danger les salariés les moins payés en danger parce qu'ils roulent plus pour assumer le travail qui n'est pas fait par les salariés français qui sont concurrencés de manière déloyale."
HAUSSE DU NOMBRE DE TRAVAILLEURS DÉTACHÉS
Une action similaire a été menée au tunnel du Fréjus (Savoie), qui mène à l'Italie, et à la frontière franco-belge.
Environ 200 routiers ont manifesté à Rekkem, au poste-frontière franco-belge, d’après une source policière. Ils sont arrivés à bord de camions et de leurs véhicules personnels.
Un barrage filtrant a été installé, laissant passer les véhicules et bloquant les camions.
Plus tôt dans la matinée, les routiers avaient mis en place des opérations escargot sur l’A22 Lille-Gand, notamment, où ils ont perturbé la circulation de 6 heures à 9 heures créant des ralentissements importants.
"On n'est pas là uniquement pour porter les revendications des salariés français, on porte les revendications des salariés européens. Comme on a souvent l'habitude de dire : à travail égal, salaire égal", a dit sur BFM TV Fabrice Michaud, secrétaire fédéral de la CGT Transports, à la frontière franco-belge.
Le nombre de travailleurs européens détachés en France a augmenté de 23,8% en 2016, après une hausse de la même importance en 2015, pour s'établir à 354.151 salariés, selon les statistiques de la Direction générale du travail, dévoilés lundi par Les Echos.
Les deux tiers de ces travailleurs, venus principalement d'Espagne, du Portugal, d'Allemagne et de Pologne, ont été embauchés dans cinq régions : Grand-Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-D’Azur, Hauts-de-France et Île-de-France.
Emmanuel Macron a fait de la question des travailleurs détachés l'un des axes de son "Europe qui protège" et de la relance d'une Union ébranlée par des mouvements populistes.
(Claude Canellas, Jean-François Rosnoblet, Pierre Savary et Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)