PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron annoncera en mai un plan pour les quartiers défavorisés qui s'inspirera des recommandations d'un rapport remis jeudi par Jean-Louis Borloo à Edouard Philippe.
L'ancien ministre, artisan du programme national de rénovation urbaine (PNRU) qui a généré 48 milliards d'euros de travaux depuis 2003, presse l'exécutif d'agir sur tous les fronts, de l'aide aux communes à l'emploi, en passant par l'école et la rénovation urbaine.
Environ 10 milliards d'euros seraient nécessaires chaque année pour mettre en oeuvre ce plan, dont un peu plus de 3 milliards directement portés par l'Etat, selon l'évalution figurant dans le rapport. Le premier poste serait la rénovation urbaine, à environ 4 milliards par an.
"La situation est la même qu’il y a quinze ans, où tout se dégradait sournoisement jusqu’à ce que ça explose, avec les émeutes de 2005", alerte-t-il dans le quotidien Le Monde.
La récente démission de Stéphane Gatignon, maire de Sevran (Seine-Saint-Denis) et défenseur des quartiers défavorisés, "fatigué" par l'absence de volonté politique, a libéré la parole de nombre d'élus qui dénoncent l'inaction du gouvernement.
Depuis 40 ans, une dizaine de "plans banlieue" ont été lancés. Le bilan est mitigé : les 1.500 quartiers labélisés "politique de la ville" (QPV), où vivent 5,5 millions de personnes, affichent encore des taux de chômage et de pauvreté nettement supérieurs à la moyenne nationale.
"La situation est grave", estime Jean-Louis Borloo. "Il y a notamment 500.000 jeunes de 16 ans à 24 ans, en bas des tours, les bras croisés. Nous vivons dans un pays où un quart de la jeunesse est à l’arrêt."
Il juge nécessaire de nommer au gouvernement un "général Patton", allusion au héros de l'avancée des alliés contre le IIIe Reich, et d'engager d'importants moyens financiers.
Parmi ses 19 recommandations, il propose de créer des "cités éducatives" regroupant autour des écoles tous les acteurs et les lieux participant à l'éducation des enfants. Le pilotage serait confié au chef d'établissement et les enseignants seraient mieux rémunérés grâce à des primes décidées localement.
La rénovation urbaine, au point mort depuis quatre-cinq ans, doit reprendre, a-t-il dit à des journalistes : il faut "ramener des grues partout, changer le visage des quartiers."
Jean-Louis Borloo propose pour ce faire de créer une fondation à laquelle seraient affectés les fonds d'Action logement.
MACRON A PROMIS "LE RETOUR DE L'ETAT"
Pour traiter les copropriétés en difficulté, soit quelque 120.000 immeubles, dont 20.000 dans une situation irréversible, il propose de lancer 12 opérations de requalification d'urgence, d'exproprier et de racheter 3.000 à 5.000 logements par an.
Pour les communes les plus pauvres, il propose davantage de péréquation en faveur de celles classées en rénovation urbaine et de créer un fonds d'urgence de 500 millions d'euros par an.
Il recommande plus généralement de soutenir le financement du plan banlieue par un fonds de garantie de la Caisse des dépôts doté de 50% des revenus des privatisations – soit cinq milliards d'euros - et de revenus générés par la TVA dans le cadre du redémarrage du plan de rénovation urbaine.
"L’Etat ne représente que 25% de tout ce plan mais c’est le tiers de confiance", précise-t-il au Monde.
Contre le chômage, il propose de former 100.000 habitants de ces quartiers aux services à la personne et de recruter 5.000 jeunes par an dans les armées, de faire accompagner 20.000 personnes par les entreprises de travail temporaire, d'accroître les emplois francs et l'embauche locale pour les grands travaux.
Il fixe un objectif de 1,5% d'apprentis domicilés dans ces quartiers pour le privé et à 50.000 dans le public en trois ans.
Il propose de créer 200 campus numériques et quelque 200 lieux confiés à des associations promouvant l'égalité et l'accompagnement des femmes, de faciliter le financement des associations et de développer l'insertion par le sport.
Parallèlement au développement de la "police de sécurité du quotidien", il recommande d'accroître la rémunération des policiers les plus expérimentés, de financer des équipements de vidéosurveillance et la création de polices municipales.
Il propose enfin une "académie des leaders" pour promouvoir des habitants de ces quartiers à la haute fonction publique.
Emmanuel Macron a promis le "retour de l'Etat" dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, le 14 novembre à Tourcoing (Nord), avant de charger Jean-Louis Borloo d'élaborer un plan de "mobilisation nationale".
Son rapport, les propositions de dix groupes de travail et les concertations organisées par les préfets "permettront de nourrir le plan de mobilisation en faveur des quartiers qui sera annoncé par le président de la République dans le courant du mois de mai", ont annoncé les services du Premier ministre.
(Emmanuel Jarry et Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)