par Matthias Galante
NICE (Reuters) - L'hommage national aux 84 victimes de l'attentat du 14 juillet a été marqué lundi à Nice par les huées qui ont visé le Premier ministre Manuel Valls sur la promenade des Anglais, où une minute de silence a été observée.
C'est la première fois que des participants à une cérémonie en hommage aux victimes d'attentats, comme ceux de janvier et novembre 2015, expriment leur colère envers l'exécutif et, pour certains, l'ensemble de la classe politique.
Le Premier ministre a jugé ces comportements "indignes".
"La colère des Français, la peur, le désespoir, c'est à moi, c'est à nous de les prendre sur nos épaules. Des enfants sont morts, des familles ont été déchirées par la barbarie. Ma place était d’être parmi les Niçois. Mais il faut de la dignité", a-t-il dit à Nice Matin. "Les sifflets, les insultes, sont indignes dans une cérémonie de recueillement et un hommage aux victimes."
L'attaque commise par Mohamed Lahouaiej Bouhlel, qui a foncé au volant de son camion sur la foule rassemblée sur la promenade des Anglais à l'occasion des festivités du 14-Juillet, a fait 84 morts et plus de 300 blessés.
François Hollande a pour sa part observé cette minute nationale de silence Place Beauvau avec le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve.
A Nice, Manuel Valls a été d'abord hué à son arrivée sur les lieux, où se pressaient 42.000 personnes, selon la mairie.
Ce moment de colère a laissé place à de longs applaudissements en direction des pompiers et des forces de sécurité, puis à une Marseillaise reprise en choeur et au chant local "Nissa la Bella".
Mais lors du départ du Premier ministre, les sifflets ont redoublé, ponctués de "démissions" au passage de l'importante délégation d'élus nationaux, régionaux et locaux.
Des pancartes visaient également le chef de l'Etat, proclamant "Hollande démission". "Monsieur Valls, faites quelque chose, y en a marre !", a crié plus tard une femme alors que le Premier ministre s'éloignait.
"IL FALLAIT QUE JE SOIS LA"
"Ces attentats, ce sont des choses annoncées depuis longtemps. On baisse la tête, je suis en colère contre tous les gouvernements qui se succèdent depuis plus de dix ans", s'est écrié Yannick, quadragénaire parisien.
Un peu plus loin, devant le Palais de la Méditerranée à l'endroit où le tueur a été abattu, un mausolée symbolisant le meurtrier cristallise les tensions.
Il s'agit d'une sorte d'exutoire, affublé du mot "lâche" tagué sur le goudron, où les gens jettent des pierres, crachent, lancent les cigarettes. Et s'invectivent parfois en tenant des propos extrêmes.
Parmi la centaine de personnes présentes autour de cette stèle inattendue, un homme écoute, la voix tremblante. "Ma femme et mon fils sont morts à quelques mètres de là, tout s'est joué en si peu de temps", confie-t-il.
La cérémonie fait également office de début de thérapie pour des blessés. "Je n'étais pas sorti depuis quatre jours, explique Bruno 53 ans. Je suis tombé à cause d'un problème de hanche, ce qui m'a sauvé car le camion est passé tout près. Être dans la foule me stresse, mais il fallait que je sois là".
Des survivants présents sur place ont dit avoir trouvé un peu de réconfort dans les marques d'hommage spontanées qui se multiplient sur la promenade des Anglais.
Des quantités impressionnantes de fleurs, de bougies et de petits mots parsèment les deux funestes kilomètres, en lieu et place des dépouilles retrouvées par les secours et où l'on devine encore les tâches de sang.
Les fleuristes niçois ont apporté leur touche avec des dizaines d'imposantes gerbes blanches déposées depuis l'hôpital Lenval où le terroriste avait entamé son périple meurtrier. "C'est pour redonner de la joie" indique Frédérique, l'une des commerçantes impliquée dans l'opération.
(avec Gérard Bon à Paris, édité par Yves Clarisse)