par Chine Labbé
PARIS (Reuters) - Le tribunal correctionnel de Paris a condamné mercredi à neuf ans de prison le frère aîné d'un des tueurs du Bataclan, jugé à Paris pour avoir reçu un entraînement militaire au sein d'un groupe djihadiste en Syrie.
Au premier jour du procès, Karim Mohamed-Aggad, dont le petit frère Foued a attaqué la salle de spectacle parisienne le 13 novembre 2015, avait demandé un "procès équitable", sans "amalgame". "On choisit ses amis, pas sa famille", avait-il dit.
Le parquet avait requis sa condamnation à dix ans de prison, soit la peine maximale encourue.
Son avocate, Me Françoise Cotta, a annoncé mercredi qu'elle ferait appel de sa condamnation. "C'est une décision de peur, rendue dans une France de la peur, par une juridiction qui est là pour répondre à la peur", a-t-elle dit à la presse.
"Je m'y attendais", a-t-elle toutefois ajouté. "Je pensais même que le tribunal n'aurait pas la coquetterie de nous faire cadeau d'un an, puisque les réquisitions étaient de dix ans. Je pense que c'est l'année qui donne bonne conscience aux magistrats."
Le tribunal a prononcé des peines allant de six à huit ans de prison à l'encontre des six autres prévenus, partis de Strasbourg vers la Syrie fin 2013 avant de rentrer en France en ordre dispersé début 2014. C'est moins que les réquisitions, qui étaient de dix ans pour trois d'entre eux, et huit ans pour les trois autres.
Toutes les peines ont été assorties d'une période de sûreté des deux tiers, avec maintien en détention et inscription au fichier des auteurs d'infractions terroristes.
"ON PUNIT LA POTENTIALITÉ"
"C'est un délibéré qui dénote une forme de crispation de la société", a regretté Me Xavier Nogueras, dont le client a été condamné à huit ans de prison.
"Je pense encore qu'on punit malheureusement la potentialité d'un danger, ce qui dénote un recul de nos socles fondamentaux", a-t-il ajouté, rappelant que les sept prévenus avaient "fermement" condamné les attentats qui ont fait 130 morts le 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. "Ces gens vont sortir (de prison, NDLR) un jour. Dans quelle condition ? Je ne sais pas."
Les sept Alsaciens, âgés de 24 à 27 ans, étaient accusés d'avoir participé, courant 2013 et début 2014 -avant la proclamation de l'Etat islamique- à une filière d'acheminement de militants islamistes vers la Syrie, et d'avoir reçu un entraînement militaire au sein du groupe en Irak et au Levant.
Ils reconnaissaient avoir rejoint la Syrie avec l'aide du recruteur présumé Mourad Fares, mais contestaient avoir voulu y mener le djihad armé, et disaient avoir été piégés.
Certains assuraient que ce voyage avait "un but d'humanité", et visait à "aider leurs frères Syriens". D'autres, comme Karim Mohamed-Aggad, disaient avoir eu pour seule intention de combattre le régime de Bachar al Assad.
C'est à leurs côtés que Foued Mohamed-Aggad a rejoint la Syrie en décembre 2013 via la Turquie.
De ce groupe d'amis - dix à l'origine, dont deux sont morts sur place -, seul Foued, le plus jeune, est resté en Syrie. Avant de réapparaître, le 13 novembre 2015, au sein de l'équipée sanglante qui fera 90 morts dans la salle du Bataclan.
(édité par Yves Clarisse)