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Royaume-Uni: dernière descente au charbon pour les gueules noires de Kellingley

Publié le 17/12/2015 09:01
Une pancarte signale à l'entrée de la mine de charbon de Kellingley Colliery, le 17 décembre 2015 (Photo OLI SCARFF. AFP)

Une pancarte signale à l'entrée de la mine de charbon de Kellingley Colliery, le 17 décembre 2015 (Photo OLI SCARFF. AFP)

"Les meilleurs mineurs britanniques travaillent à Kellingley", assure fièrement le panneau à l'entrée du site. Les meilleurs peut-être mais surtout les derniers d'une industrie qui aura profondément marqué l'histoire économique et sociale du Royaume-Uni et vit ses ultimes moments.

Une page se tournera définitivement vendredi dans ce coin brumeux du nord du Yorkshire, où la mine de charbon de Kellingley, la dernière encore en activité dans le pays, fermera ses portes après 50 ans de bons et loyaux services.

"Je suis dégoûté, comme tout le monde. C'est la fin d'une époque cette semaine. Nous sommes l'Histoire, la dernière mine profonde en Angleterre. Notre pays a été construit sur le charbon, la Révolution industrielle", déplore Tony Carter, 52 ans, l'un des 450 mineurs à descendre encore quotidiennement 800 mètres sous terre en quête de la précieuse houille.

Comme ailleurs en Europe -la dernière mine de charbon française, située en Moselle, a fermé en avril 2004– les gueules noires, la cheminée fumante surplombant le site et le ballet des camions chargés de charbon ne seront bientôt plus qu'un lointain souvenir.

Mais au-delà du tournant économique, c'est pour beaucoup dans la région un pan entier d'existence, intime et familiale, qui prendra fin le 18 décembre alors que des générations entières de mineurs se sont succédé dans la fosse de "Big K".

"Mon père était un mineur. La plupart des gens ont eu des pères mineurs, c'est notre héritage. C'est juste une honte (que la mine ferme)", confie Tony Carter.

"C'est une vieille ville, une ville de mineurs. Les mineurs veulent travailler. Ils ne veulent pas toucher le chômage, ils ne veulent pas d'allocations. On tue cette ville", se lamente Kevin Butler, accoudé au comptoir de l'amicale des mineurs de Knottingley, la localité voisine, une pinte de bière à la main et les larmes aux yeux.

- 'Une mine rentable' -

Quand le fils de cet armaturier a appris que Kellingley allait fermer, il a décidé de partir chercher du travail en Australie. Mais tous risquent de ne pas avoir cette chance. La plupart des employés de Kellingley ont fait leurs premières armes alors qu'ils n'avaient pas 15 ans, et voient mal ce qu'ils pourraient faire d'autre.

Chez Keith Poulson, le secrétaire de section du syndicat national des mineurs (NUM), l'aigreur le dispute à la tristesse et à la frustration.

"C'est absolument rageant de penser que nous allons juste tourner le dos à une mine rentable, une industrie dans laquelle nous disposons d'une force de travail qualifiée (...)", s'énerve-t-il.

Comme d'autres, cet ancien mineur met en avant l'absurdité de la situation alors que la mine est entourée de trois centrales électriques, dont celle de Drax, à quelques kilomètres de là, la principale centrale à charbon du Royaume-Uni, qui fournit 7 à 8% des besoins électriques du pays.

"Nous disposons de vingt ans et même plus de réserves de charbon prêts à être livrés à Drax mais pour une raison ou une autre, on n'a plus besoin du charbon britannique", poursuit-il.

Pourtant, "Drax brûlera encore du charbon pendant les dix prochaines années, et peut-être davantage", dit-il encore.

- 'Un groupe fantastique' -

Mais à l'heure de la COP21 et de la transition énergétique, le charbon, dont la combustion génère d'importantes émissions de gaz à effet de serre, n'a plus la cote. Le gouvernement britannique a annoncé fin novembre qu'il souhaitait arrêter d'ici 2025 les centrales à charbon les plus polluantes.

Ainsi, des trois qui cernent Kellingley, seule celle de Drax poursuivra son activité au-delà de 2016. Les importations moins chères en provenance de l'étranger, notamment de Russie et de Colombie, ainsi que le doublement de la taxe carbone décidé en avril au Royaume-Uni, ont fait le reste.

Pour le secrétaire de section du NUM, les mineurs sont surtout victimes des marges des industriels et des taxes gouvernementales alors que le coût du charbon a très peu augmenté ces dernières décennies.

"Quand j'ai commencé en 1977, le prix du combustible fourni aux centrales électriques était de 27 livres la tonne, aujourd'hui le prix de gros du charbon est de 30 livres la tonne. Pensez-vous que votre facture d'électricité reflète en 39 ans une différence de 3 livres seulement ?", lance-t-il.

Malgré le sentiment d'abandon, on se souvient aussi volontiers à Kellingley des bons moments passés ensemble, de la camaraderie et de l'entraide.

"J'ai aimé chaque minute passée à mon travail, c'était un groupe fantastique de gens, vous ne rencontrerez jamais des gens meilleurs que les mineurs", affirme Tony Carter, évoquant des hommes durs à la tâche et soumis à de rudes conditions de travail.

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